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Le Responsable du design d’AvtoVAZ, Steve Mattin évoque dans une interview le nouveau studio de design Lada à Moscou, les relations de la marque avec l’Alliance Renault-Nissan et la confiance que devront inspirer les futures Lada.
La semaine dernière, les journalistes étaient invités pour découvrir le nouveau studio de design Lada de Moscou. Il est situé dans un bâtiment de trois étages chargé d’histoire d’une surface de 370 m3. Annexe du centre de style de Togliatti, ce nouveau studio sera, comme le souligne Steve Mattin, le centre névralgique du design de la marque. Après avoir travaillé pour DaimlerChrysler et Volvo, Steve Mattin a en charge de rendre le design des Lada reconnaissable. Les premiers résultats de son travail seront montrés en août au Salon de Moscou. C'est en l’occurrence un crossover sur lequel Steve Mattin a travaillé, un véhicule dont la production en série est prévue pour 2015.
Q : Ce studio de design était-elle l’une des conditions pour votre venue chez AvtoVAZ ?
R : Je ne dirai pas qu’il s’agissait d’une conditions sine qua non mais j’étais au courant que le processus de création d’un tel studio de design industriel était en cours. Un processus qui avait commencé avant mon arrivée. C'est en tous cas une idée que je soutenais pleinement. Une telle annexe est une étape importante, qui aura une incidence indéniable sur l’ensemble du processus du design des Lada.
Moscou est une grande ville. C’est la capitale. Ici, le contraste entre la capitale et le principal lieu de production est très important. Je pense que c’est une excellente occasion, non seulement pour moi, mais aussi pour l’entreprise. C’est un vrai centre névralgique que nous venons de créer et sa localisation à Moscou sera aussi un moyen efficace d’attirer des professionnels de talent.
Quand je suis à Togliatti, mon agenda est très serré : réunions, évènements, même pas cinq minutes pour m’assoir et réfléchir. Ici, bien sûr, cela sera aussi intense et peut-être que je ne trouverai pas non plus cinq minutes de temps libre. Mais il y a une bonne ambiance ici.
Les interactions entre le centre de style de Togliatti et cette annexe moscovite sont différentes de celles des structures similaires des autres sociétés. Là-bas, le responsable du design rend visite au studio annexe tous les deux mois, voire tous les six mois. Ici, je peux le faire toutes les semaines. Nous sommes peu nombreux (six designers, six 3D-modelleurs et deux ingénieurs). Cela nous permet de nous voir chaque semaine et d’être en permanence en communication avec eux. Cela aide beaucoup.
Q : Qu’est-ce que vous n’aimez pas dans le style des Lada et que changeriez-vous ? Comment voyez-vous les voitures de la marque : avec des formes agressives ou, au contraire, douces ?
R : Cela ne serait pas correct de ma part de dire que je n’aime pas. Pourquoi ? Ces voitures ont été créées il y a longtemps et à ce moment-là elle était dans le coup. Maintenant nous devons plutôt regarder vers l’avenir. Avant je travaillais chez Mercedes-Benz. Une société avec un énorme passé et pour lequel il fallait trouver des solutions flexibles pour répondre aux besoins de clients sans cesse changeants. Mon rôle est de modifier les approches standards. Je fais cela depuis 10 ans et toutes les sociétés pour lesquelles j’ai travaillé ont fait appel à moi pour cela. Ici, mon rôle n’est pas de faire des voitures agressives ou de leur « coller » un nouveau visage. Là je dois faire une image de marque reconnaissable. Quelque chose de sûr. Quelque chose où il y aurait plus d’émotion.
Q : Que voulez-vous dire ?
R : C’est un peu comme quand une voiture est garée dans la rue et que tout le monde la regarde : « Tu dois être fier de rouler dans une Lada ». Ou comme lorsqu’on s’exprime en public. Quand on est nerveux, tendu ou distrait, on n’est pas convaincant. C’est la même chose avec une voiture. Elle doit inspirer confiance.
La Lada (son dessin) a été conçu lorsqu’il y avait peu de concurrence sur le marché intérieur. L’environnement a changé maintenant : il y a maintenant les Japonais, les Européens et les Chinois. Le marché est immense et tout le monde veut en profiter. C’est une tâche compliquée. Non seulement nous devons concurrencer ces constructeurs, mais nous devons aussi faire en sorte que ceux qui ont acheté nos voitures restent chez nous. Ce qui est important et ce ne sont pas des éléments individuels, ce sont donc le design mais aussi la qualité du produit.
Q : Quels sont les traits distinctifs qui apparaîtront sur les nouveaux modèles Lada ?
R : Je ne peux pas répondre à cette question, car je serai obligé de vous révéler en partie des informations confidentielles.
Q : Vous ne pouvez pas nous dire si les voitures seront rondes, anguleuses, carrées, triangulaires ?
R : Elles auront quatre roues motrices, voire plus si nécessaire (rire). Ma tâche principale est de faire de ce nouveau design la marque de fabrique de Lada. Et ne pensez pas que ces Lada ressembleront à celles que vous voyez aujourd’hui... Ce sera la somme toutes ces caractéristiques : confiance, expressivité, dynamisme, excitation, unicité. La liste est longue. Je vous avouerai que c’est une tâche difficile que de changer une marque existante. C’est un vrai défi.
Q : Il restera quelque chose des Lada précédentes dans cette nouvelle identité ?
R : Il faut coller aux nouvelles tendances mais d’un autre côté, et comme je l’ai dit précédemment, nous devons faire en sorte que les gens restent avec nous mais attirer aussi de nouveaux acheteurs. C’est pourquoi il faut trouver le juste milieu.
Q : Y’a-t-il un modèle sur lequel vous portez plus d’attention et à cause duquel vous laissez le reste à vos collègues ?
R : Non, j’essaie de m’occuper de tout. En matière de design il faut s’occuper de l’ensemble.
Q : Malgré tout, vous trouver du temps pour dessiner ?
R : Oui bien sûr. J’ai peu de temps. Quand vous êtes designer par vocation, ce processus est continu. Le sens de mon travail est de pouvoir faire une esquisse en cinq minutes et la confier ensuite à une équipe de designer. C’est comme cela que je veux et vais travailler. Je veux en plus pouvoir retravailler les dessins que produiront mes spécialistes. Cela sera donc un processus mutuel. Cela fait déjà 25 ans que je suis dans le métier et dans la rue on peut voir beaucoup de voitures qui portent ma griffe. Beaucoup ont été faites dans les segments supérieurs, mais ce qu’on peut faire sur une voiture chère, on peut aussi le faire sur des voitures beaucoup moins chères.
Q : Vous avez dit que vous allez essentiellement vous entourer de designers russes. Est-ce parce qu’ils sont moins chers que leurs collègues étrangers ?
R : Nous essayons de cultiver les talents propre à l’entreprise. Bien sûr la situation en Russie et en Europe est différente en matière de salaire et de coût de la vie. Notre tâche est d’attirer les bonnes personnes. Nos portes sont ouvertes. Nous faisons de la publicité sur internet, essayons de collaborer avec les écoles, participons au salons automobiles étrangers. Si quelqu’un décide de venir de l’étranger pour travailler chez nous, alors pourquoi pas ? Nous nous mettrons d’accord sur les conditions si la personne nous convient. Mais bien sûr, c’est plus simple de recruter des gens venant de la Fédération de Russie : c’est plus proche, plus économique c’est vrai, mais ils connaissent aussi beaucoup mieux les spécificités du pays et le futur de la société. De manière optimale, nous voulons attirer des designers russes, ayant déjà eu une expérience à l’étranger.
Q : Participez-vous à la conception des modèles qui seront fabriqués en Russie par l’Alliance Renault-Nissan ?
R : Je connais la situation de Renault et de Nissan pour travailler dans l’Alliance. Mon rôle consiste à ne pas concurrencer directement leurs modèles et de faire des produits qui affaibliraient leurs positions. Néanmoins nos ventes sont séparées en Russie. Bien sûr, comme dans chaque alliance, il y a une part de collaboration que cela soit sur le plan technologique ou pour la vente. C’est la même chose chez nous. Les Lada seront de ma responsabilité et Renault et Nissan s’occupent de leurs modèles. Néanmoins il est important de savoir ce que nos collègues de l’Alliance sont en train de développer, pour qu’il n’y ait pas de chevauchement et de risque de cannibalisation.
Q : Donc vous n’allez pas travailler sur le design de la future Datsun russe qui sera produite par AvtoVAZ ?
R : Renault c’est Renault. Nissan c’est Nissan. Il y a bien sûr des frontières communes entre nous. Nous sommes dans une alliance mais la concurrence interne est très développée. C’est génial de regarder ce que font les autres et d’essayer de faire mieux. Je vais essayer de faire mieux, de créer quelque chose de mieux. C’est ce que j’ai fait avec les autres constructeurs chez lesquels j’ai travaillé. Cela n’a pas toujours été simple, mais j’ai réussi.
Lu sur : https://www.vedomosti.ru/auto/articles/2012/06/14/stiven_mattin_mashina_dolzhna_izluchat_uverennost
Voir aussi ce reportage (pour les photos) : http://www.cardesign.ru/articles/v_studiyah/2012/06/10/5280/
Adaptation VG