La femme russe du Finlandais Risto Nykanen déteste son passe-temps. Elle est originaire de Leningrad, le nom que la ville portait en URSS avant de reprendre celui de Saint-Pétersbourg. La passion de M. Nykanen ? Il collectionne et restaure les vieilles Lada, la voiture des Soviets en forme de boîte, autrefois voiture familiale typique en Finlande et devenue objet de collection pour collectionneurs contrariants.
M. Nykanen explique. « Tout ce qui vient de la Russie Soviétique, c’est de la merde ». Voilà pourquoi de nombreux Finlandais, et pas seulement sa femme d’origine russe, détestent la Lada. Mais pour M. Nykanen, qui dirige une société d’importation de machines quand il n’achète et ne restaure pas des épaves russes, cette voiture représente un chapitre doux-amer de l’histoire de son pays.
Fabriquée à partir du début des années 70 et basée sur une Fiat 124 déjà dépassée, la Lada est l’emblème de la Guerre Froide, quand la Finlande cherchait à établir un équilibre délicat entre l’Union Soviétique et l’Occident. Au fil des ans, quand les voitures d’Europe de l’Ouest, d’Amérique et d’Asie ont commencé à évoluer vers un style et une technologie plus moderne, la Lada n’a pas pu suivre le rythme. Le modèle de base à 5 places coûtait 40% de moins que, par exemple, une Opel de niveau comparable. Mais la technologie russe basique pouvait au moins surmonter quelques-unes des faiblesses de ces voitures : le manque d’isolation n’offrait guère de protection contre la rigueur des hivers finlandais... Un problème que la Lada résolvait avec chauffage digne du haut-fourneau !
« Il y avait deux réglages : chaud ou super chaud » indique M. Nykanen en rigolant. « Un excellent choix ».
Introduite en Finlande en 1971, la Lada a été durant des décennies l’une des marques les plus vendues dans le pays. Les ventes ont culminé en 1998 avec 15,390 exemplaires, près de 10 pour cent du marché. L’an dernier, Delta Auto Group, importateur de longue date dans le pays a mis la clé sous la porte, affirmant n’avoir pas vendu une seule Lada depuis 2009. Il se consacre désormais à des marques comme Kia, Mazda et Mitsubishi, celles que les Finlandais préfèrent aujourd’hui. « Personne ne s’est précipité pour reprendre le business » indique John Costin, un anglais de 69 ans ancien cadre chez General Motors qui a pris la tête de Delta Auto Group il y a deux ans pour redresser l’entreprise après de lourdes pertes. « Lada et Finlande ne font plus bon ménage ».
Pourtant c’était le cas avant. A la frontière russo-finlandaise, Lada disposait d’un énorme centre de pré-livraisons, employant environ 4000 personnes et où les voitures étaient préparées pour les clients finlandais. M. Costin s’y est rendu récemment et a trouvé un lieu désert, un terrain envahi par l’herbe. « Et dire que c’était autrefois prospère » ajoute-t-il.
Pour M. Nykanen la popularité de Lada était inévitable, tout comme son déclin... Ce n’est que le reflet de l’histoire russo-finlandaise. Pendant plus d’un siècle, la Finlande a fait partie de l’immense empire russe avant de gagner son indépendance après la Première Guerre Mondiale. Elle a maintenu longtemps des relations ouvertes, mais méfiantes, avec son géant de voisin. Mais avec l’effondrement du communisme, la Finlande s’est jetée à corps perdu dans les bras de l’Ouest et a rejoint l’Union Européenne en 1995.
La Finlande, qui possède des usines d’assemblage pour diverses marques étrangères, mais n’a pas d’industrie automobile nationale, n’a toutefois pas totalement rejeté les voitures russes. Marussia Motors a annoncé avoir trouvé un accord avec Valmet Automotive. Personne pourtant ne s’attend à ce que le coupé haute performance remplace cette voiture de tout le monde qu’était la Lada !
Au fil des ans, M. Nykanen a acheté cinq Lada, qu’il restaure pieusement et qu’il conserve dans son garage dans les faubourgs d’Helsinki. Il estime qu’il y a encore 15,000 Lada dans le pays. Dans les années 1990, lorsque les Russes ont commencé à voyager librement en Finlande après l’effondrement de l’Union Soviétique, des milliers de personnes ont traversé la frontière pour acheter des Lada finlandaises d’occasion et les ramener chez eux. Sous l’ère soviétique, ils devaient attendre des années pour en prendre livraison. « Plus de 30,000 de nos Lada sont reparties en Russie » indique M. Nykanen citant un chiffre fourni par le service des immatriculations. Pour beaucoup de Finlandais c’était un bon débarras. « Pour moi, c’est le reflet de l’ancienne Union Soviétique » dit Hakan Rosenstrom, un conducteur de Volvo. « Elle ne sont pas très populaires ».
Mais pour des collectionneurs comme M. Nykanen, la Lada a une certaine allure. Les amateurs de Lada organisent régulièrement des rencontres et font même parfois courir des voitures anciennes. En 2008, il a fait partie d’un convoi de neuf Lada, avec deux à trois Finlandais par voiture, qui a fait un pèlerinage d’une semaine dans la ville russe de Togliatti, au bord de la Volga, dans le but de rendre hommage à l’usine où leur voiture a été fabriquée. Mais on leur a refusé l’entrée du site. « Nous avons fait un peu de tourisme et sommes rentrés à la maison » indique M. Nykanen.
Pour tous les jours, M. Nykanen possède une Opel sportive. Mais cette voiture « pleine d'informatique » ne l’impressionne pas du tout. « Si une bombe nucléaire explose, toutes ses puces électroniques vont griller » indique-t-il en tapotant avec affection le capot de l’une de ses Lada, une berline gris délavé de 1974. « C’est une voiture qui n’a pas d’électronique. Tout est mécanique. C’est à l’épreuve des bombes atomiques ! ».
Ouvrez la galerie pour voir quelques photos de la collection de Risto Nykanen. Vous constaterez que notre homme possède la limousine 2107 réalisée par l’importateur Konela : http://graphics8.nytimes.com/images/2012/04/22/automobiles/collectibles/22lada-slides-slide-E6JG/22lada-slides-slide-E6JG-slide.jpg
Voir l'une des photos connues sur le site d'Aurélien : http://degriottier.free.fr/lada_2107long_konela.jpg
Adaptation VG