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Chevy Niva : from Russia, with love ?

L'industrie automobile russe est victime d'un étrange phénomène : pas une de ses créations ne peut être prise au sérieux. Cette parodie permanente n'est même pas drôle. Cela n'empêche pourtant pas la production d'AvtoVAZ d'être solidement ancrée aux premières places du marché russe. Ne sont donc elles pas si mauvaises que cela ? Nous allons essayer de trouver une explication à ce phénomène avec l'un des tout-terrains les plus populaires de Russie, la Chevrolet Niva.

Vous pensez que seule la technologie militaire est capable de faire, avec 4 roues et un moteur, un tout-terrain à part entière ? C'est une erreur aussi profonde que celle de penser que l'armée transforme les étudiants en vrais hommes ! L'un des tout-terrains les plus sérieux au monde a été conçu exclusivement pour un usage civil. Ce tout-terrain, c'est la Niva. Pourtant, à l'origine, celle-ci devait être la première citadine compacte d'URSS et comme dans une vieille blague soviétique le cahier des charges à été modifié de façon spectaculaire.

Mi-1977, l'Usine Automobile de la Volga a fabriqué le premier crossover au monde. Il portait le nom de VAZ-2121 Niva. Sa spécificité ne résidait pas dans le fait qu'après avoir conçu une berline compacte à hayon, les ingénieurs de Togliatti l'avaient transformée en véritable tout-terrain - le monde de l'automobile connaît beaucoup d'histoires de ce genre - mais dans le fait qu'on venait de créer une nouvelle catégorie de véhicules ! La carrosserie autoporteuse avait considérablement simplifié la construction, la suspension à ressorts procurait un confort jugé suffisant pour l'époque et la transmission intégrale permanente aux quatre roues, associée à une garde au sol élevée et un blocage de différentiel, en faisait un tout-terrain phénoménal ! La Niva s'est vendue dans le monde entier comme des petits pains, même en Grande Bretagne où le Land Rover tenait lieu du sacré.

La seconde génération de ce tout-terrain n'a vu le jour que deux décennies plus tard. La VAZ-2121 vieillissante a été remplacée par un projet russo-américain beaucoup moins ambitieux portant le nom de Chevrolet Niva et après six ans de production, comme cela se pratique dans l'industrie automobile moderne, ce modèle a été restylé.

Juger le design d'une voiture russe n'est jamais une chose facile : il est à peu près impossible d'endiguer le flot de critiques et en général seuls les aveugles ont le droit de s'extasier. Pourtant la Chevrolet Niva n'est vraiment pas mal, peut-être parce qu'elle est à moitié étrangère. Nous ne dirons pas que le logo "Bertone Edition" sur les protections latérales en plastique a de quoi provoquer de la fierté - la Chevrolet Niva est aussi italienne qu'un sac D&G sur un marché vietnamien - mais les changements apportées lors de ce restyling ont amélioré grandement l'extérieur du véhicule. Les panneaux de carrosserie n'ont pas été changé - trop cher - pourtant, curieusement, ils sont bien ajustés. On a travaillé sur la plastique : les pare-chocs plus méchants, les larges protections latérales et les nouveaux phares font désormais ressembler la Niva à une voiture normale et pas à une vieille caisse à savon. Dans sa version de base, les plastiques ne sont pas peints ce qui rend la Niva plus pratique : associé à une teinte de carrosserie sombre, ils transforment la voiture en beauté fatale... pour un Russe profond.

Mais si à l'extérieur la Niva tente de prouver son appartenance à la marque Chevrolet en écrivant même son nom en lettres latines, l'intérieur reste terriblement russe. On sent qu'un ouvrier tenant une lime dans ses mains non lavées est passé partout dans l'habitacle. Et nous ne parlons pas de l'odeur ténue d'essence et de plastiques bas de gamme qui colle ensuite des jours aux vêtements...

Ergonomie ? Peut-être les ingénieurs de Togliatti ont entendu parler de ce miracle de la bourgeoisie, voire même pu l'observer. Mais ici dans la Niva, comme dans les autres productions de VAZ, il n'en est pas question. C'est sans doute une caractéristique distinctive des voitures russes après tout. L'industrie automobile allemande est par exemple célèbre pour son ergonomie. Pas celle de la Russie. Depuis de nombreuses années c'est comme cela.

Les sièges de la Chevrolet Niva sont de vrais sièges de Jigouli. Montez à bord et vous aurez l'impression de vous retrouver sur un vieux canapé à ressorts. A l'arrière la situation n'est pas aussi déplorable : la banquette est plus dure que les sièges avant. Le nouveau volant offre une prise en main confortable et il n'y a rien à redire sur son réglage en hauteur. Mais à cause du pédalier installé trop haut, la position de conduite est fatigante même sur petits parcours.

Pour être juste il faut signaler que l'intérieur a fait l'objet de quelques modifications. Le cendrier qui était mal placé a migré sur le tunnel au pied de la console centrale. A sa place on a installé les commandes de vitres électriques et des sièges chauffants. Régler les rétroviseurs n'est toujours pas pratique, mais c'est déjà mieux que sur l'ancienne version où la commande était située sous le coude du conducteur. A cet endroit on trouve désormais des porte-gobelets et un espace pour les petits objets. La tendance générale serait clairement positive, si on trouvait des matériaux normaux... Mais on ne peut pas tout avoir à la fois.

D'un point de vue technique, la Chevrolet Niva est 100% rustique. C'est la voiture idéale pour les voitures où il n'y a pas trop de trafic, pas de feux rouges... Le châssis est parfait pour les zones où il n'y a pas vraiment de route. La suspension est faite pour cela et il n'y pas besoin de lever le pied pour ménager le confort des passagers. La voiture "avale" tout en terrain accidenté et ne reprend ses habitudes de dinosaure que sur la "tôle ondulée".

Hors piste, la Chevrolet Niva est presque sans égal. Sa transmission à 4 roues motrices permanente, son réducteur, le verrouillage du différentiel et la garde au sol de 220mm en font la reine du tout-terrain. Son seul talon d'Achille est le moteur 1,7 litre archaïque. Avec ce moteur dans la vieille Niva, on peut attaquer, mais la Chevrolet Niva est plus lourde ce qui signifie que ni ses 80 chevaux, ni son couple de 127Nm ne suffisent pour franchir les passages difficiles en toute confiance. Pour ne pas rester coincé dans la neige, il a fallu maintenir le régime moteur au dessus des 3,500 tr/min. Par contre vous pourrez démonter et remonter ce moteur les yeux fermés et trouverez n'importe où des pièces de rechange. De ce fait, le manque de couple est plus que compensé par la facilité d'entretien de ce moteur fabriqué depuis déjà trois décennies.

Et en ville ? La Chevrolet Niva essaie désespérément de suivre le trafic intense de Moscou et le miracle ne se produit malheureusement pas. Ce bon vieux moteur avec sa chaîne de distribution travaille dur mais les 1410kg sont un trop lourd fardeau pour lui. S'intéresser à ses performances dans ces conditions est comme demander son âge à une femme de 50 ans... Même AvtoVAZ évite de communiquer des chiffres.

Si vous êtes un conducteur respectueux du code de la route, la Chevrolet Niva vous rendra heureux : jusqu'à 100 km/h, la voiture tient bien la route, se conduit facilement et sa suspension absorbe parfaitement les irrégularités. La voiture est assez silencieuse, mais plus la vitesse augmente et plus les bruits aérodynamiques se font entendre et le confort de suspension se dégrade. Rattraper des SUV plus sérieux dans ses conditions est aussi illusoire que de forcer une vache à courir un sprint.

Pourtant le crossover russe n'a pratiquement aucun concurrent. La Chevrolet Niva est disponible en deux versions : L et GLS. La version de base à 420,000 roubles dispose du minimal syndical : une carrosserie autoporteuse, un volant, des sièges et une transmission intégrale. C'est la version idéale pour faire du tout-terrain. La version GLS coûte 49,000 roubles de plus. Les différences sont essentiellement esthétiques : plastiques extérieurs peints, roues alliages 16 pouces, barres de toit et phares antibrouillards. A l'intérieur la sellerie est de meilleure qualité et les sièges avant sont chauffants. Les deux versions peuvent recevoir pour 29,000 roubles de plus la climatisation. Autre argument en la faveur de la Chevrolet, les pièces détachées sont disponibles même dans les coins les plus reculés de Russie car elles proviennent en majeure partie de la VAZ-21213.

Après une semaine à son volant, nous avons dressé le portrait de l'acheteur potentiel d'une Chevrolet Niva. Cet homme appelle encore les supermarché des "gastronom" et n'a pas sorti la télécommande de son téléviseur de l'emballage. Il croit encore en l'automobile russe mais son instinct de survie ne l'autorise pas à acheter une VAZ. Il ne vit pas en ville et la route qui mène à sa maison est sans doute en mauvais état. Il n'est pas assez riche pour entretenir une voiture étrangère, pas plus qu'un UAZ Patriot.

Alors qu'est-ce que la Chevrolet Niva et à quoi sert-elle ? Est-ce un crossover qui n'est pas fait pour la ville, une jeep sans châssis, une voiture étrangère construite avec des pièces russes ? Depuis longtemps on devrait classer les voitures russes dans une catégories à part : il est tout simplement inhumain de vouloir les comparer à des voitures étrangères. Les designers persistent à tracer des lignes obsolètes, les ingénieurs ne cherchent pas à faire quelque chose de bien et les ouvriers préfèrent quand la chaîne est silencieuse. Mais cette voiture a de quoi rester optimiste. Cette nouvelle Niva n'est pas une reine de beauté mais elle a beaucoup changé. Autrefois bruyante sur la route, elle est devenue beaucoup plus silencieuse. L'ergonomie s'est légèrement améliorée. Ce n'est pas un replâtrage mais un travail sur les défauts.

Peut-être qu'on pourra écrire bientôt à propos de la Chevrolet russe, "from Russia, with love" ?

Lu sur : lien obsolète
A compléter avec des photos en meilleure définition, ici : http://fotostation.ru/?p=66785
Adaptation VG

Tag(s) : #Chevy Niva, #Essai