Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Aujourd’hui politicien, Iouri Skokov ingénieur radio de formation, avait été nommé en 1986 directeur de l’institut moscovite de recherche énergétique VNIITE. Un laboratoire de cet institut, le VNIIEM, était spécialisé dans les voitures électriques (et avait même réalisé la première voiture électrique d’URSS, la U-131). Devenu indépendant, il devint la société « Kvant ».

En 1987, on ne parlait pratiquement plus de voitures électriques au VNIITE. Comme chez VAZ, tous les projets avaient été arrêtés. On s’était soudain rendu compte que tout ce qui avait été fait en URSS dans le domaine était sans issue : il n’y avait pas de batterie adaptée à ce type de véhicule. De plus, on avait atteint les limites de capacité de production des batteries au plomb, et il n’y en aurait jamais assez pour produire en masse des voitures électriques. Il fallait trouver une autre solution, mais il n’y avait pas d’alternative connue à l’époque, et voilà pourquoi on avait perdu tout espoir...

Puis Sokov a eu une idée. Puisqu’il n’était pas possible de faire un fourgon de livraison, il fallait changer la direction des recherches. C’est pourquoi il a proposé de faire un véhicule de loisirs pour les zones touristiques. Un véhicule de deux ou trois places avec des panneaux solaires sur le toit. Ces derniers avaient été proposés parce que Kvant avait développé et était le leader dans la fabrication d’éléments photovoltaïque pour les engins spatiaux. Ces panneaux solaires ne pourraient bien sûr pas être utilisés comme source principale d’énergie, mais en supplément, pour recharger les batteries.

Pour un véhicule de ce type, il n'était pas la peine de s’inquiéter de l’autonomie et de la vitesse de pointe. On ne recherchait qu’un véhicule de promenade pour deux adultes et un ou deux enfants. Il pourrait être loué par les professionnels du tourisme, par exemple dans la station balnéaire de Guelendjik, sur la Mer Noire. Il pourrait être utilisé dans des zones où on n’a pas besoin de rouler sur la voie publique et où il n'est donc pas nécessaire de l’immatriculer. Ce véhicule électrique pourrait être assimilé à un vélo ou une motocyclette. C'est cette idée qu'avait eu Iouri Skokov.

Kvant s’est adressé à ZiL pour mener à bien le projet. Si la société pouvait créer elle-même les équipements électriques, elle avait besoin de l’aide de l’usine moscovite et de son designer Victor Essakov (aujourd’hui disparu) pour le châssis et la carrosserie. ZiL a donc conçu les plans, dessinés la carrosserie, réalisé le châssis et les différentes pièces en plastique. Les stylistes avaient même pensé à une petite remorque pour transporter des glaces, une vraie glacière sur roulettes ! Si celle-ci n’a pas vu le jour, la voiture a été fabriquée à deux exemplaires : une rouge et une bleu. Et plus précisément, bleu-gris. Étonnamment, la voiture n’a jamais eu de nom et les différents documents qui en parlent évoquent soit une voiture électrique, soit une mini-voiture.

Il est intéressant de noter que ces voitures avaient de très petites roues dont une seule roue motrice ! La roue arrière droite. Cela signifiait qu’il n’y avait pas besoin d’un complexe différentiel puisque la roue était en prise directe avec le moteur. Ce schéma technique sera repris dix ans plus tard sur la petite « Kinechma ». Le moteur était à courant continu (ce qui pour Kvant, adepte depuis trois décennies de l’asynchrone, était inhabituel). Mais là encore, il n’était question que de simplification. Toute la transmission, fonctionnant sur 90 volts, était issue d’un projet plus ancien de chariot robotisé, produit par une société du VNIITE. Les batteries était des modèles au plomb ordinaires, fabriquées par l’usine de Podolsk. Il n’y avait pratiquement pas de pièces de série. Tout était original : la suspension, le châssis, la direction. Mais la conception était simplifiée au maximum et permettait presque de fabriquer la voiture dans son garage.

Plusieurs fois, les voitures ont été emmenées à Guelendjik pour être testées sous le soleil du sud. Elles ont ensuite été testées à Arkhangelsk par des personnes triées sur le volet. D’après Boris Pavlouchov, qui était le chef du projet, il est difficile de dire aujourd’hui comment ces personnes conduisaient : « elles conduisaient normalement, les voitures étaient pratiquent, agiles, accéléraient jusqu’à 25km/h et avaient une autonomie d’environ 20km ». Elles participèrent également au rallye de voitures électriques « Soleil de Kouban ».

Et comment se comportait le système de chargement par panneaux solaires ? Sous un bon ensoleillement, ces éléments pouvaient donner jusqu’à 8 ampères ce qui bien sûr ne permettaient pas de rouler, mais pouvait suffire pour recharger. Mais c’est la nuit qu’on recharge et le jour qu’on roule avec une voiture de ce type ! Et d’un point de vue énergétique, les 8 ampères (obtenus dans le meilleur des cas) ne suffisaient pas ! En fait, les panneaux solaires ne pouvaient fournir pas plus de 10% de l’énergie nécessaire. C’est la raison pour laquelle on ne prévoyait pas d’installer ces coûteux éléments sur les modèles de série, tout en laissant la possibilité de le faire.

La voiture a été montrée également aux Américains. A la fin des années 90, Kvant a créé une joint-venture avec une entreprise américaine qui cherchait à produire des batteries d’une nouvelle technologie. Mais le projet a capoté car les Américains n’avaient pas l’intention de mettre de l’argent dans le projet.

La voiture de Skokov avait tout de même plu, puisqu’elle avait valu à ses concepteurs un prix de 10,000 roubles, une somme très respectable du temps de l’URSS. Toutefois, ils ne trouvèrent pas les fonds pour réaliser le minimum de véhicules de pré-série, c'est-à-dire 10 à 20 exemplaires. En ces temps de Perestroïka, le pays avait d’autres chats à fouetter. Le projet est tombé dans l’oubli. L’exemplaire bleu a été démonté en partie et se trouve dans un hangar sans face avant. L’exemplaire rouge est encore en parfait état, mis à part les batteries qui ont été retirées. Il est conservé dans un entrepôt ferroviaire de la compagnie Moscou-Kiev, à côté d’autres prototypes avortés de Kvant, un UAZ et une Moskvitch électriques. Pourquoi ne pas les restaurer ? Ils ont joué un rôle historique et les voitures électriques qui ont suivi s’en inspirent.

Lu sur :
http://www.3dnews.ru/auto/russian-electric-car/
http://rusautomobile.livejournal.com/92353.html
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #VNIITE, #ZiL, #Kvant, #Electro