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Outre l'anecdote passionnante, l’article proposé par le blog Rusautomobile est illustré de photos inédites prises au début de l’année 1997. En voici la traduction ci-dessous :

C’était au début de l’année 1997, en plein hiver. L’IZH-14 était conservée dans l’abri anti-aérien situé près de l’usine qui servait alors de réserve pour le musée de l’usine Automobile Ijevsk. Un musée qui n’existait alors d'ailleurs pas. Il faut reconnaître que l’usine n’était pas loin d’être elle aussi un musée. La chaîne était plus souvent à l’arrêt qu’en pleine activité et l’Orbita n’était même plus produite en série. Elle sortait au compte goutte fabriquée quasi à l’unité. C’est Sergueï Gordetski lui-même, propriétaire d’IzhMach, qui comptait l’usine automobile dans ses actifs d’alors, qui m’avait invité.

Dans l’abri anti-aérien, on gardait tout ce qui avait fait les vingt-sept années d’histoire de l’usine : des prototypes, des motos et même un tracteur. Il y avait aussi une très belle Mazda de 1971 dont j’ai oublié le modèle... L’iZH-14, la raison de ma venue à Ijevsk était dans un état déplorable. Les pneus étaient dégonflés, le moteur ne démarrait plus et pour cause puisqu’il était incomplet, le volant tournait à peine... Je me souviens qu’il n’était pas question de la faire rouler, mais on pouvait au moins essayer de la sortir à l’air libre pour une séance photo. Mais à cause des pneus dégonflés et même en s’y mettant à quatre pour pousser, la voiture bougeait à peine. Il nous a fallu faire preuve d’une force surhumaine qu'elle bouge, et nous avons oublié que la voiture n’avait pas de freins ! Elle a heurté un poteau et cassé le phare droit. Finalement, nous sommes allés chercher un UAZ pour la tracter avec un câble. Le UAZ tirait tout doucement et nous nous assurions que tout ce passe bien au niveau de la voiture.

Dehors il neigeait. Il neigeait à gros flocons, lourds et collants. On pouvait déjà oublier les belles photos. Mais il fallait aussi oublier toute idée de revenir. Une autre occasion ne se représenterait pas. C’était déjà un miracle qu’on nous eût autorisé à sortir dehors ce IZH-14 oublié de tous. Je m’étais mal préparé, comme le dernier des idiots, en venant de Moscou avec mon appareil photo Zenit primitif, travaillant mal au flash et seulement deux pellicules. Il me fallait photographier avec ce que j’avais sous la main et quelque soit les conditions. Au moins pour me faire pardonner le phare cassé.

Nous avons poussé l’IZH-14 dans la cour. Les commentaires fusaient. Des ouvriers de l’usine s’étonnaient en passant devant la voiture « c’est la nouvelle Niva que les mecs photographient ! ». Même dans son état délabré, ce prototype n’était pas vu comme une voiture du passé ! Elle n’était pas pire que la Niva en tous cas et elle a été étudiée à la même époque qu’elle. C’est aussi à ce moment là que AZLK a ressorti des cartons le projet 415/416, mais sous le nom 2150. Les trois constructeurs soviétiques étaient en pleine rivalité pour avoir le droit mettre en production leur tout-terrain. Et c’est l’inertie des fonctionnaires du Ministère de l’Automobile qui aura empêché la production de ces trois modèles, en avance sur leur temps.

Après les photos, nous avons rentré le IZH-14 dans l’abri anti-aérien. Il semblait voué à pourrir dans cet endroit. Cela faisait 20 ans qu’il s’y trouvait et seules des pièces de son moteur avait intéressé quelques personnes. J’étais bien décidé. Je suis monté dans le cabinet de la haute direction et j’ai demandé : « Donnez-moi cette voiture ! ».

Dire que c’était de l’arrogance est adoucir la réalité. C’était comme la lecture des textes de Sorokine sur la tombe du Soldat inconnu, à minuit, en caleçon et avec une balalaïka. C’était assez avant-gardiste mais... ils ont accédé à ma demande.

J’étais d’accord pour qu’on ne me donne pas la voiture, mais qu’on me la confie. Je voulais la restaurer. Il ne fallait pas beaucoup d’argent : environ 30,000 dollars et IzhMach était prêt à m’aider en me fournissant les pièces qui étaient alors toutes encore production (moteur, boîte, ponts, pièces électriques, une parties des optiques). Les conditions étaient les suivantes : j’emmenais la voiture à Moscou où elle serait restaurée de manière professionnelle en conservant son authenticité et la propriété de la voiture serait partagée. L’usine pourrait l’exposer chaque année à des expositions à Moscou, et notre revue pourrait l’exposer en d’autres endroits. Je suis reparti confiant. Je pensais que je trouverai rapidement un sponsor pour cette entreprise, mais ce fut un enfer. Personne n’avait besoin de cette relique du passé.

Je ne perdis pas courage et continuai mes recherches. Mais quand j’ai enfin pu réunir les fonds, IzhMach avait déjà perdu tout intérêt dans l’entreprise. La direction avait changé et les accords passés étaient devenus caduques. Il ne me restait plus que ces mauvaises photos.

Sept ans plus tard, je suis retourné à Ijevsk. Les temps avaient changé, le Groupe  SOK étant devenu propriétaire de l’usine. Le but de la visite était une présentation de la Kia Spectra, le modèle que le Groupe SOK avait choisi un peu fébrilement, quand il était devenu nécessaire de produire quelque chose en parallèle des Orbita. Ce qui est intéressant, c’est que cette présentation eut lieu dans l’abri anti-aérien, où les Spectra étaient cachées à l’abri des regards indiscrets. J’essayais de retrouver la belle Mazda, mais on me dit qu’elle avait été vendue pour une poignée de cacahuètes. Le IZH-14 n’était plus là non plus...

Il s’avérait que le Groupe SOK avait restauré lui-même quelques (mais pas tous) modèles de son histoire pour les exposer dans un musée improvisé, dans le bâtiment principal de l’usine. Le IZH-14 avait été repeint en blanc et hélas, la restauration avait été trop rapide, sans respecter la vérité historique. Les phares avaient été remplacés, l’habitacle modifié. Mais au moins, la voiture avait survécu...

Comparez, les photos de l’IZH-14 avant et après restauration, grâce aux photos prises récemment dans le musée : https://oaktime.livejournal.com/65275.html

Lu sur : https://rusautomobile.livejournal.com/75630.html
Adaptation VG