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Lada & Canada : petite histoire.

Les citoyens soviétiques qui partaient en exil à l’Ouest conservaient une nostalgie pour les choses qu’ils laissaient derrière eux, y compris les voitures russes. Heureusement, ils pouvaient retrouver ces dernières grâce aux importateurs. Témoignage du canadien Iouri Vorontsov :

Au Canada, les voitures avec un logo Lada sont rares. Pourtant, il y a 30 ans les perspectives étaient plus radieuses. En tous cas, Peter Dennis, président de Lada Cars of Canada, Inc. était à l’époque plein d’optimisme. Il était d’ailleurs persuadé qu’après quelques années, Lada pourrait sans peine dépasser les importations de voitures en provenance d’Europe et de Japon, soit 250,000 voitures par an et qu’après des automobiles, les canadiens se mettraient à acheter des télévisions, des radios et de l’électroménager made in URSS.

Selon Peter Dennis, les Canadiens étaient bien préparés à acheter des voitures russes. Dans les années 70, les marques américaines avec des modèles de 6 mètres, 2 tonnes et le typique V8 essence de 5,6 litres se taillaient la part du lion, mais les crises du pétrole de 1973 et 1979 et les nouvelles règles anti-pollution ont porté un coup sérieux à ces géants de la route. Sans surprise, les Canadiens comme les Américains ont commencé à s’intéresser aux voitures européennes et japonaises bien plus compactes et surtout plus économiques. Au Canada, on commence à voir apparaître des Fiat, des Peugeot et des Renault, jusqu’alors pratiquement inconnues et considérées comme exotiques. Elles étaient utilisées comme deuxième ou troisième voitures et permettaient quelques économies d’essence. Mais les Canadiens ignoraient encore que ces « miracles » européens pouvaient s’avérer moins fiables que leurs voitures habituelles. C’est à ce moment, à la fin 1979, que des concessionnaires Lada commencent à vendre la petite berline soviétique.

Le New-York Times publie alors un article « Les Russes sont là ! ». Le premier modèle à envahir le marché canadien est la VAZ-2106, suivie un peu plus tard par la Lada Niva. C’est celle-ci qui a d’ailleurs conquis les cœurs et les portefeuilles des acheteurs canadiens : au cours des 12 premiers mois ce ne sont pas moins de 12,000 Niva qui trouvent preneurs !

Voyez donc ces commentaires d’un heureux propriétaire d’une Niva de 1982 : « Hmm, oui. La voiture est non seulement robuste, mais aussi jolie. Elle fait tourner les têtes. Souvent à la station service on me montre le pouce en criant « Chouette ! ». Ou ceux d’un fermier qui a acheté d’occasion une Niva de 1990 pour $300 et qui en a rajouté $1000 pour la réparer et la repeindre : « Les premières semaines j’ai été arrêté trois fois par la police locale qui voulait savoir quelle était la marque de ma voiture ». Depuis, trois Niva de plus ont fait leur apparition dans son garage.

Il est clair que les bonnes blagues ont aidé à cette réputation. On dit par exemple qu’on achète une Lada parce qu’elle roule à la vodka. Et ce n’est pas un secret que leurs propriétaires regardent souvent sous le capot pour régler le carburateur, changer les bougies... Mais ceux qui ont acheté cette voiture sans prétention, l’ont fait avant tout avec enthousiasme et de leur plein gré. Ils ne l’ont pas acheté en réfléchissant, mais sur un coup de cœur. Pas forcément confortable ou pas particulièrement fiable, la Lada est une voiture sur laquelle on peut toujours compter surtout sous (et sur) la neige...

Outre les 2106 et les Niva, les Canadiens ont acheté des 2104 (Signet), 2105/2107 (Riva) et enfin des Samara. Les berlines se sont toujours révélées moins populaires que la Niva et leurs propriétaires se plaignaient sérieusement des sièges inconfortables et des plastiques qui grincent. Malgré cela, ils leur pardonnaient pourtant beaucoup. Un compte-rendu de l’époque indiquait : « la Samara use trop rapidement ses plaquettes de frein, ses soufflets de cardans se déchirent et la rouille fait son apparition sur le hayon et les portes arrière. Son lave glace est tombé en panne, il y a un trou dans l’échappement, le chauffage fonctionne mal, et il y a des rossignols à l’intérieur ». Chose incroyable, l’évaluation finale était positive. Pourquoi ? Parce que la voiture est simple et facile à réparer soi-même.

Récemment, je passais quelques jours de repos dans le nord de l’Ontario, dans la petite ville de Halliburton et j’ai soudain aperçu une VAZ-2104 (Riva Wagon) repeinte en vert foncé à la brosse... C’est habituel avec ce genre de voiture : « Elle roule, ça suffit. Le reste n’a pas d’importance ». Les portes qui grincent, les cylindres de freins qui fuient, la carrosserie pourrie et le silencieux qui hurle font leur office... Et son propriétaire ne jettera même pas un regard à une Toyota, dix ans plus âgée et pourtant en bien meilleur état.

Il faut signaler que l’importateur a fait beaucoup d’effort pour adapter la Lada aux standards canadiens. On y installait la climatisation, la radio et les dernières années un système audio moderne avec lecteur CD et six haut-parleurs. Les roues ont été décorées avec des enjoliveurs chromés et le pavillon recevait un toit ouvrant. Don Pittis, un journaliste canadien bien connu, a acheté un jour une Lada et faisait ironiquement remarquer qu’elle était équipée de toutes sortes de choses et même de sièges. Il l’avait achetée reconnaît-il pour son caractère bon marché. Son principal inconvénient était sa mauvaise réputation, si bien que quand elle est partie à la casse, on n’a pas voulu lui donner plus de $10 alors qu’il en espérait $25 !

Les Lada ont été vendues au Canada jusqu’en 1997. Mais c’est vrai qu’il ne s’en est vendu en 1996 que 981 exemplaires, et 646 en 1997 pour un marché canadien s’élevant à 500,000 voitures par an.

En 1996 lorsque je suis arrivé au Canada, il était encore possible de croiser des Lada sur les routes, principalement des Niva et des Samara, mais c’était assez rare. Une fois j’ai même fait le calcul suivant : il y a approximativement autant de Lada que de Rolls Royce sur les routes. Après, la marque russe a été remplacée rapidement par les coréennes Daewoo, Kia et Hyundaï. Plus coûteuses, certes, mais surtout plus modernes, avec un meilleur service du constructeur et du réseau, avec une gamme plus étendue et un plus grand choix d’équipements.

Après le retrait de la marque, les Lada ont rapidement disparu de la circulation en raison de leur fragilité. Le Ministère des Transports Canadien a publié une statistique intéressante sur les voitures encore en circulation 10 ans après leur commercialisation : 87% de Volvo, 84% de BMW, 83% de Mercedes-Benz, 75% de Cadillac, 33% de Kia. La moyenne toutes marques confondues est de 60%. Et le chiffre pour Lada, me demanderez-vous ? Seulement 5%...

Lu sur : http://www.zr.ru/a/120459/
Adaptation VG

Tag(s) : #Lada, #Export, #Canada, #Témoignage