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Ceux qui, il y a vingt ou trente ans en URSS, faisaient du rallye automobile prononçaient les lettres VFTS (Fabrique de Vilnius de Moyens de Transports) avec un sentiment particulier. De nombreux pilotes rêvaient d’avoir une Lada préparée en Lituanie, mais à de rares exceptions il n’y a que les meilleurs qui pouvaient en tenir le volant. Pour les épreuves du circuit international, mêmes les pilotes de l’équipe d’usine d’AvtoVAZ ont couru sur des voitures préparées par VFTS.
Le début des années 80 constitue l’age d’or de VFTS. Dans cette usine qui occupait alors 1500 mètres carrés se trouvait un atelier expérimental, un bureau d’étude et un laboratoire s’occupant de la préparation des moteurs et de l’électronique. Chaque année cette équipe de 50 personnes pouvaient réaliser jusqu’à 200 voitures de course avec différents niveau de préparation.
Tout avait pourtant commencé de manière plus modeste dans un garage ordinaire situé à la périphérie de Vilnius dans la rue Plitines. C’est ici qu’à la fin de l’année 1975, le célèbre pilote Statis Brundza, qui était revenu en Lituanie après quelques années à Izhevsk, se fit préparer une Lada pour prendre le départ du « Rallye de l’Acropole ». Avec cette toute première voiture au moteur de 130/150 chevaux préparée en Lituanie il remporta la seconde place de la catégorie « moins de 2000cm3 » et la sixième place au scratch de l’édition 1976.
Les succès aidant, ce groupe d’enthousiastes migra en 1978 du petit atelier dans un des bâtiments de BARZ, l’usine de réparation automobile de Vilnius, où fut officiellement créée une activité de préparation de voitures de courses. C’est là, dans la rue Verkiu, qu’a débuté la production en petite série de la Lada 1600 Rallye, une VAZ-21011 équipée d’un moteur de VAZ-2106. Le début de cette fabrication fut salué de manière solennelle par la présence des dirigeants de la fédération lituanienne et de la fédération nationale de la DOSAAF, d’autres invités de marque en provenance de Moscou, et des représentants du Ministère lituanien des transports dont dépendait BARZ.
La place occupée par cette activité s’élevait au début à 408 mètres carrés. On y trouvait pourtant tout un matériel de haute technologie permettant de fabriquer différents pièces préparées comme les soupapes, l’arbre à cames, le volant moteur ou les disques de frein. Après préparation, même un moteur de VAZ-21011 de 1300cm3 pouvait atteindre un régime de 11000 tr/min ! La Kopeika pouvait ainsi rouler à 192 km/h. Ce n’est pas seulement l’équipement de pointe qui pouvait donner des ailes aux Lada, mais aussi la présence à la tête de l’atelier de Statis Brundza et de l’équipe de spécialistes qu’il avait pu réunir autour de lui. On peut citer le motoriste « de Dieu », Zginiev Kivertas, les génies Salious Zalanskas et Henrikas Chilinis, les ingénieurs Vitoldas Silevitchus et Romas Iuknialianvichus, les designers Vigandas Ulitskas et Arunas Volungiavichus.
Au départ l’essentiel de la production de cet atelier était constitué de VAZ-21011 de groupe A avec un moteur 1600cm3. Par contrat, les Jigoulis de série étaient livrées directement de Togliatti avec ce moteur. Elles étaient ensuite démontées complètement à Vilnius pour être transformées en voitures de course. Peu à peu ces voitures ont été exportées. Les ingénieurs ont ensuite commencé à travailler sur une voiture répondant aux nouvelles normes du Groupe B. C’est ainsi qu’ils se sont penchés sur le nouveau modèle de VAZ, la 2105. C’est avec ce modèle que le préparateur de Vilnius a rencontré le plus de succès en rallye : à son volant des pilotes ont remportés plusieurs fois la Coupes des Pays Socialistes (par équipe) ou d’autres épreuves de haute renommée (en individuel).
Le potentiel de la VAZ-2105 VFTS était reconnu par les pilotes étrangers. Cette voiture a été vendue avec succès aux pays du bloc socialiste, mais aussi en Suède, en Norvège, en Allemagne et même au Panama et en Colombie. Ce sont surtout les importateurs locaux qui grâce à elles faisaient la promotion de la gamme Lada. Certains pilotes l’achetait pour s’entrainer : parmi les voitures avec un tel niveau de préparation, la soviétique était avec ses 20,000 dollars la plus accessible. Pour l’anecdote, on trouve dans la collection personnelle de Statis Brundza une Porsche 911 qu’une équipe de rallye bulgare a échangé en 1979 contre deux VAZ-2105 VFTS.
Le règlement du groupe B permettait d’élargir les voies de la voiture d’origine : la 2105 de course était sensiblement plus large que celle de série, et pour l’alléger on faisait largement appel à la fibre de verre, à l’aluminium et aux alliages de titane. C'est dans ce métal qu’on réalisait par exemple les bielles, les sièges des ressorts de soupapes et l’arceau de sécurité. Le vilebrequin, les pistons forgés et le carburateur « Weber 45 » étaient remplacés ou améliorés pour atteindre le maximum de leurs capacités. La puissance du moteur turbo 1600cm3 alimenté par des carburateurs horizontaux Weber atteignait 160ch. Il était couplé à une boîte cinq vitesses non synchronisée fabriquée par VFTS conçue par R. Iuknialianvichus. La cinématique de suspension était modifiée, des freins plus efficaces étaient installés sur les quatre roues ainsi que des amortisseurs sport importés.
La direction de VAZ en voyant les succès remportés ont commencé à regarder autrement le préparateur de Vilnius. Un nouvel accord fut signé en 1985 pour que Togliatti livre des voitures avec une carrosserie plus légère, car n’ayant pas subi de traitement anticorrosion, un moteur 1600 cm3 et dont la suspension avant recevait des ressorts plus rigides, que l’on trouvait sur les voitures à conduite à droite. Ce modèle avait l’indice usine « 038 ». Petit détail, depuis le début nous parlons de l’usine VFTS, mais depuis 1988, l’atelier de construction de voitures de courses avait été séparé de BARZ, même si ce n’est qu’en 1990 que l’usine de la rue Iacheniu fut officiellement inaugurée et que Statis Brundza et son équipe put quitter les bâtiments de BARZ.
En 1989 VFTS avait conclu un accord d’échange avec le tchécoslovaque Metalex pour la fourniture d’arceaux de sécurité en aluminium, de protections de carters, de roues avec des jantes en alliage, de systèmes d’extincteurs et de sièges baquets. En retour, on envoyait aux tchèques des moteurs préparés à Vilnius, des pièces de rechange et des kits-carrosseries pour les Lada. D’ailleurs il faut signaler que les pièces de rechanges VFTS étaient expédiées dans tous les pays où les voitures étaient vendues (par le réseau Autoexport). Bien sûr les VAZ-2105 VFTS de technologie classique étaient loin des monstres du groupe B qui a cette époque menaient la danse dans le championnat du monde des rallyes.
C’est pourquoi fut mené en 1986 à Vilnius le « Projet Eva » par V. Ulitskas, Z. Kivertas, H. Chilinis, S. Zalanskas et V. Silevitchus déjà cités par ailleurs. Ils construirent en partant de zéro une voiture répondant aux normes internationales basée sur la Lada Samara qui venait à peine d’être présentée. Mais vrai dire ce prototype n’avait presque rien de la voiture de série : il ne restait que les portières, le pare-brise et les phares. Tout le reste était réalisé sur mesure comme sur les meilleures concurrentes occidentales. Ceux qui ont vu ou ont essayé le prototype l’ont comparé à la Lancia Stratos.
La carrosserie monocoque était remplacée par un châssis-cage, le moteur 16 soupapes à double arbre à came en tête à injection de 1860cm3 était turbocompressé. Il faisait 300ch. Il était installé en position centrale arrière, La suspension avant à doubles tirants transversaux, comme à l’arrière, était directement boulonnée sur le châssis-cage lequel était recouvert de panneaux de carrosserie en fibre de verre rappelant les formes de la Samara. Il existait deux variantes pour le capot avant : de jour sans projecteurs supplémentaires, et de nuit avec quatre puissants phares. L’aérodynamique de la voiture avait été étudiée par les spécialistes de l’usine expérimentale d’aéronautique sportive DOSAAF de Prenaïsk. Elle fut ensuite testée dans la soufflerie du polygone d’essai NAMI de Dimitrov. L’EVA a été construite à plusieurs exemplaires : le dernier étant toujours plus perfectionné que le précédent. Deux voitures ont été conservées et se trouvent aujourd’hui dans la collection de Statis Brundza.
En 1987, ce prototype avait suscité beaucoup d’intérêt au rallye de Finlande et en Grèce où Statis Brundza l’avait présenté en dehors de l’épreuve (comme équipage « 0 »). Il était aussi prévu de fabriquer l’Eva avec quatre roues motrices, mais les ingénieurs de Vilnius n’en ont pas eu le temps car la FIA a décidé d’interdire les voitures du groupe B.
La VFTS, transformée en EVA pour « Experimental Vilnius Autoplant » a préparé encore pendant quelques années des Samara, mais après l’indépendance de Lituanie, l’heure n’était plus à la compétition automobile et la production de voiture de course fut remplacée peu à peu par une activité de vente et d’entretien de diverses marques étrangères.
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Adaptation VG