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Construite en 15 mois, l'Usine Automobile de Gorki est le véritable symbole de l'industrialisation stalinienne. Le 29 janvier 2012, le géant de l'automobile fêtait son 80ème anniversaire et Automail.ru se rappelait de l'histoire de GAZ, dont l'instigateur était Henry Ford en personne.

« Les Américains font-ils différemment les projections ? Qu'est-ce que c'est ? Exactement ! Ils écrivent les exigences techniques et les process directement sur les plans... Pensez-y, directement sur les plans ! ». De jeunes ingénieurs se penchaient sur une table remplie de dessins et d'autres documents et discutaient avec enthousiasme : devant eux se trouvait la documentation complète des futurs premiers-nés de l'industrie automobile soviétique naissante : le camion GAZ-AA et la voiture GAZ-A. Plus précisément, les voitures de la gamme Model A, développées par Ford.

Au départ, le gouvernement soviétique prévoyait de construire un géant de l'automobile par ses propres moyens. C'est pourquoi l'institut Gipromez et le trust Metallstroï avaient été chargés de préparer simultanément le projet d'une usine. Mais les spécialistes de ces établissements n'avaient aucune idée de la manière de construire une usine de voitures... Je veux dire qu'ils le savaient, mais purement de manière théorique - à partir de traductions d’articles et de manuels. En hauts-lieux la seule bonne décision a été prise : acheter une usine toute prête à l'étranger. Pas un projet, mais une production à grande échelle, y compris la documentation technique, l'équipement nécessaire et une licence pour produire une voiture adaptée aux conditions du pays. Après de courtes recherches, l'entreprise américaine Ford Motor Company a été choisie comme partenaire de ce projet grandiose.

Aujourd'hui, près d'un siècle plus tard, ce choix ne semble pas évident : les spécialistes soviétiques se sont cassés les dents avec les livres et pouces au lieu des kilogrammes et des centimètres et autres subtilités sur les plans... Mais à cette époque, les spécialistes soviétiques étaient attirés par la simplicité, la fiabilité et une architecture identique pour les deux futur modèles. Le camion Ford AA et la voiture Ford A étaient en fait des jumeaux assemblés à partir des mêmes pièces, ce qui était extrêmement important : on n’aurait pas pu lancer la production simultanée de deux modèles différents ! Par conséquent, le 31 mai 1929, à Dearborn, Michigan, un accord a été signé entre le Conseil des commissaires du peuple de l'URSS et Ford pour la construction d'une usine automobile en Russie d'une capacité annuelle de 100,000 voitures et une coopération technique pour une durée de 9 ans. Le coût du contrat était de 30 millions de dollars.

Nijni-Novgorod a été choisie pour devenir la future capitale de l'industrie automobile soviétique - une ville située au carrefour de l'eau, des chemins de fer et des routes. Bien que Moscou, Leningrad et Iaroslavl soient similaires en termes de « transports », Nijni-Novgorod était favorisée par plusieurs facteurs importants : premièrement, elle comptait de nombreuses entreprises métallurgiques, et deuxièmement, une industrie du bois bien développée garantissait un approvisionnement en temps voulu pour les pièces en bois des futures voitures. En juillet 1929, une étude des sols a été lancée dans la banlieue de Nijni-Novgorod (qui allait bientôt devenir Gorki), près d'un village appelé Monastyrka, afin que la construction puisse commencer dans les dix mois.

Il est difficile de le croire aujourd'hui, mais 15 mois (!) après le début de la construction, le 1er janvier 1932, l'usine de voitures a commencé à fonctionner. Les premiers camions, NAZ-AA (parfois appelés par erreur NGAZ-AA), ne sont sortis de la chaîne de montage de Nijni-Novgorod que le 29 janvier. Les ouvriers ne maîtrisaient la production de pièces complexes - vilebrequin, carter-cylindres et longerons de châssis - que depuis un mois ! La production a ensuite été ralentie par des sous-traitants léthargiques - tantôt l’acier était insuffisant, tantôt le verre était inutilisable... Il n'est pas étonnant qu'en douze mois, l'usine n'ait fabriqué que 730 camions sous les marques NAZ et GAZ. Cette dernière abréviation était apparue le 7 octobre 1932, lorsque Nijni-Novgorod a été rebaptisée Gorki et que l'usine automobile de Nijni-Novgorod (NAZ) est devenue GAZ. D'ailleurs, les voitures de la série A étaient dès le début produites sous la marque GAZ, car leur développement a été retardé, et les premiers phaétons n'ont pu être assemblés que le 8 décembre 1932.

Les voitures ont commencé à rouler sur les routes soviétiques, les camions ont été envoyés sur des chantiers grandioses... Puis il y a eu un coup de tonnerre ! Le fait que les voitures et les camions 1,5 aient les mêmes pièces s'est avéré un sérieux inconvénient : les camions étaient soumis à de lourdes charges, étaient le plus souvent conduits en tout-terrain ou sur des routes de campagne, ce qui entraînait panne sur panne, alors que les conducteurs des phaétons ne se lassaient pas de vanter la fiabilité de leurs voitures. Les composants les plus faibles du camion GAZ-AA étaient le support moteur avant et le "promoval" - l’équivalent simplifié du cardan à double articulation d'aujourd'hui. Il se passait ce qui suit : le support du moteur se brisait à cause des chocs, le moteur s'abaissait et chargeait le « promoval », ce qui conduisait inévitablement à la rupture de ce dernier. Les réclamations et les plaintes inondaient l'usine, l'odeur des camps de bûcherons du Nord et des mines de Sibérie commençait à se faire sentir…

« Apparemment, les plaintes sont également remontées jusqu'au ‘sommet’ : des contrôles et la recherche de ‘parasites’ ont commencé. La production de camions a été arrêtée. De nombreux travailleurs ont été menacés de sanctions…, se souvient l’un des témoins oculaires de ces évènements, Mikhaïl Kuperman, l'un des pionniers de l'école d'ingénieurs soviétique. On a vérifié les dimensions, la composition chimique du métal, le traitement thermique, les caractéristiques de charge des supports - tout correspondait à la documentation et aux échantillons Ford. Les châssis étaient réalisés sur l'outillage américain. Les coordonnées des points de fixation du moteur et de l'essieu arrière ont été vérifiées ». Une seule conclusion était inévitable : la voiture, créée sous la supervision personnelle d'Henry Ford, présentait de graves défauts de construction, mais les erreurs des concepteurs ne pouvaient pas apparaître aussi rapidement sur les routes américaines, comme ce fut le cas hors des chemins soviétiques.

Hélas, pendant que les ingénieurs cherchaient la cause des pannes, les tchékistes n'ont pas tardé à trouver les coupables : certains directeurs ont été licenciés, le chef de l'atelier, où les supports étaient fabriqués, et le métallurgiste en chef ont été arrêtés... Au crédit de l'école de design soviétique, le problème a été résolu rapidement, en proposant plusieurs variantes de modification de la pièce défectueuse. Mais rien ne pouvait être fait : il était strictement interdit de modifier la conception du nouveau véhicule ! Plus tard, Ford a reconnu son erreur et a amélioré les voitures de la série A. Les plans de la prochaine génération ont été envoyés à Nijni-Novgorod. Mais l'usine était déjà occupée à la création de son propre modèle et il fut considéré comme déraisonnable de redessiner le 1 tonne et demie en suivant aveuglément les plans fournis par Ford.

D'ailleurs, le « Poloutorka » a largement survécu à sa sœur, la voiture de tourisme : si la production de la GAZ-A a été arrêtée le 2 janvier 1936 après environ 42 mille voitures produites, le camion GAZ-AA a été fabriqué jusqu'en 1938, et après il a été amélioré (le nom du modèle a été changé en MM) et a continué à être produit jusqu'en 1949 ! Ce camion, conçu par Henry Ford pour livrer des marchandises légères, a facilement résisté aux difficultés de l'industrialisation et des années de guerre... La charge utile de 1,500 kg n'a jamais été prise en compte et le camion n'a été chargé qu’en fonction de ce qui pouvait tenir sur le plateau. Et s'il n'y avait pas assez de place, la carrosserie était allongée. Cela vous rappelle quelque chose ? Aujourd’hui, il en va de même pour les propriétaires de « GAZelles », qui par leur charge utile sont également des « Poloutorka ». C'est la continuité intergénérationnelle...

Mais l'essentiel est que c'est précisément ce « camion de 1,5 tonne » fabriqué par Ford qui a appris aux ingénieurs soviétiques à fabriquer en série des voitures. Sur les bases du simple GAZ-AA, ils ont ensuite construit des chefs-d'œuvre de l'architecture automobile tels que la Volga GAZ-21 et la GAZ-13 Tchaïka.

Lu sur : https://auto.mail.ru/article/36263-kak-inzheneryi-iz-gorkogo-oshibki-genri-forda-ispr/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #GAZ, #GAZ-A, #GAZ-AA