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En Pologne, les années 70 ont été une période difficile. Les « alliés soviétiques » avaient obligé le pays à prendre le UAZ-469B, une voiture tout à fait décente pour l’époque, mais les achats devaient être faits en roubles convertibles, ce qui était un désavantage certain pour les finances du pays.

Cette forme de règlement faisait que les UAZ-469B étaient des véhicules très chers, bien au-delà de leur valeur réelle. Il fallait pourtant les acheter par milliers (pour les besoins de l’armée, de la milice, des administrations locales, des entreprises forestières, de la compagnie d’électricité, des entreprises de construction) et cela pesait lourdement sur le budget de l’Etat. La crise économique croissante obligea les autorités polonaises, en dépit de l’amitié fraternelle des nations socialistes, de lancer l’étude de son propre véhicule tout-terrain.

Le climat politique avait également influé sur cette décision. Les années 70 avaient été en quelque sorte une période d’ouverture de la Pologne à l’Occident. On était encore loin d’une véritable liberté, mais après des années de règne brutal de Wladyslaw Gomulka, l’arrivée au pouvoir d’Edward Gierek apparaissait comme une chance pour un avenir meilleur.

Dans la seconde moitié des années 70, le prototype de Tarpan 234 à transmission 4x4 a été conçu en commun par la Fabryka Samochodow Rolniczych (FSR) de Poznan et l’Institut de l’Industrie Automobile de Varsovie. Extérieurement, cette voiture ressemblait à un Tarpan de série. Ce prototype avait un moteur essence de 1,481 cm3 développant la puissance maximale de 72 ch couplé à une boîte de vitesses à 4 rapports. La boîte de transfert était de conception entièrement nouvelle. Les ponts avant et arrière étaient ceux adaptés d’un utilitaire Zuk. Après avoir été testé pendant plusieurs mois, le prototype Tarpan 234 fut considéré comme viable et de nouveaux travaux furent entrepris pour en améliorer le concept. On supposait aussi que le développement de cette transmission 4x4 pourrait être également utilisée sur les utilitaires Zuk et Nysa.

Au tournant des années 70 et 80, l’Institut de l’Industrie Automobile de Varsovie a construit deux prototypes de véhicules tout-terrains PW-1. Ce nom était la contraction des mots « Pojazd Wielozadaniowy » (« Véhicule polyvalent ») et du chiffre « 1 », lequel signifiait que ce n’était que le début d'une longue série. Ces prototypes reprenaient et poussaient plus loin les idées vues sur le Tarpan 234. L’objectif était d’utiliser autant que possible des pièces d’origine polonaise pour faire appel le moins possible à des pièces importées.

Le prototype PW-1 était équipé d’un moteur essence dérivé du 1,500 cm3 de la Polski-Fiat 125p. La transmission à quatre roues motrices se composait d’une boîte de vitesse, d’une boîte de transfert à réducteur, des arbres de transmission et de ponts rigides. Après des essais initiaux à l’Institut de l’Industrie Automobile, il a été transféré pour des tests complémentaires à l’Institut Technique des Chars et Véhicules Militaires de Sulejowek. Après plusieurs mois d’essais intensifs sur ce polygone militaire, de nombreux défauts ont été mis à jour ce qui a obligé ses concepteurs à reprendre minutieusement leur copie.

En 1982, sur la base de la première expérience, un autre prototype portant le nom de PW-2 a vu le jour. Comme son prédécesseur, il a été confié à des spécialistes militaires. Il est à noter que les ingénieurs de l’Institut Militaire de Sulejowek ont fait preuve d’un grand professionnalisme et d’un grand enthousiasme et se sont impliqués dans ce projet avec un dévouement allant au-delà de leurs fonctions. A cette période où le slogan « zy sie stoi, czy sie lezy, 2000 zl sie nalezy » (l’équivalent en polonais de « un sou est un sou ») était dans toutes les bouches, une évaluation objective du nouveau véhicule a été faite pour indiquer les changements structurels nécessaires. En 1983, les essais ont été menés en trois phases : les phases 2 et 3 ont consisté aux essais routiers et d’endurance, et la phase 1 - où tous les acteurs ont été impliqués - a permis de corriger les défauts et apporter des modifications. 

Les travaux de modernisation du prototype PW-2 se sont poursuivis tout au long du cycle d’essais (qui a duré de 1982 à 1988). L’un des plus gros problèmes était le moteur. Le 1,500 cm3 (puis plus tard 1,600 cm3) emprunté à la PF 125p puis à la Polonez faisait 75 chevaux et était certainement trop faible pour entraîner un tout-terrain pouvant atteindre un poids total en charge de 2,5 tonnes. Les exemplaires de PW-2 testés avec ces moteurs tenaient difficilement 40 à 50 mille kilomètres. En plus, le moteur chauffait sur terrain difficile, ce qui empêchait une exploitation normale. La solution au problème pouvait consister en l’emploi du moteur diesel 4C90 Andoria et c’est pourquoi dès 1984, des essais ont également porté sur l’utilisation de ce moteur.

Durant la conception, il avait été prévu de construire le PW-2 avec différents empattements (2200, 2900 ou 3200 mm) ainsi qu’avec une suspension avant indépendante sur bras oscillants. Une intéressante version à quatre roues directrices a également été testée. Les ingénieurs et les pilotes essayeurs qui participé à son évaluation ont donné à ce prototype le surnom de « Porte-avions ». Ce véhicule était destiné à être utilisé sur les aéroports militaires ce qui exigeait qu'il soit très maniable.

Des tests spécifiques ont également été menées avec des largages à haute altitude. Des PW-2 ont été largués au-dessus du désert de Bledow (près de Katowice) et 30 minutes après leur atterrissage ils étaient opérationnels. D'autres tests spécialisés ont également été effectués à l’Académie de Techniques Militaires. On a étudié la possibilité de démarrer le moteur dans des conditions extrêmes - température ambiante de -40°C ou fort empoussièrement. Ces essais ont été réalisés dans des chambres spéciales et ont été couronnés de succès, bien que la qualité de l’huile ou des batteries disponibles à l’époque sur le marché polonais, posait de nombreux problèmes. La qualité de ces produits était trop faible pour les besoins théoriques de l’armée. Des travaux intensifs ont été également menés pour les évolutions du PW-2 en milieu aquatique. Après une série de tests et plusieurs modifications, le prototype était capable de passer des gués d’un mètre de profondeur.

Entre 1982 et 1988 plusieurs prototypes de PW-2 ont été mis au point et ont fait l’objet de tests approfondis en laboratoire et sur le terrain. Plusieurs de dizaines de changements importants ou mineurs et des modifications structurelles ont été apportés durant ces années. Un aspect intéressant de ces essais fut la participation des prototypes PW-2 à des rassemblements « civils » de véhicules tout-terrains. Cela a donné l’occasion de le comparer à d’autres 4x4. C’est Jerzy Kobylinski, fortement impliqué dans les travaux de développement du PW-2, qui avait eu cette idée.

Après avoir été complètement étudié et modernisé, le PW-2 a été rebaptisé Tarpan. Il a été présenté pour la première fois au public à la Foire de Poznan en 1988 où il était exposé sous le nom commercial de « Tarpan Honker ». La même année, sa production en série a été lancée par la Fabryka Samochodow Rolniczych (FSR) de Poznan.

Une anecdote intéressante est liée à ce nom de Honker. Au milieu des années 1980, un concours avait été lancé à l’usine FSR pour trouver le nom de ce nouveau véhicule tout-terrain. L’information de ce concours a été reprise par la presse locale et de nombreuses propositions ont été reçues, mais la plupart d’entre elles étaient des jeux de mots assez primaires, s’efforçant de refléter en un ou deux mots le caractère du nouveau véhicule. Quelqu’un a proposé le nom de Honker, un mot qui selon la légende correspondait en anglais au cri que fait l’oie sauvage dans son nid ! Les responsables communistes et les décideurs avaient  par contre « oublié » que ce mot a aussi un sens historique différent et plus proche du cœur des Polonais. Le nom « Honker » est le nom de code de l’attaque polonaise sur le Mont Cassino durant la Seconde Guerre Mondiale... Mais le nom avait plu et il est resté.

Les premiers exemplaires de série de Tarpan Honker étaient proposés avec un seul empattement (2827 mm) et un deux moteurs : 1,481 cm3 (de 75 ou 82 ch) et 1,598 cm3 (de 86 ch). Afin de réduire les coûts de production, on a essayé de réutiliser au maximum des pièces fabriquées par d’autres constructeurs automobiles. Ainsi, on retrouvait les témoins de tableau de bord, les feux avant et arrière du camion Star 266, les poignées et serrures de portes, les clignotants avant et répétiteurs latéraux de Polski-Fiat 126p et un grand nombre de pièces de Zuk et de Nysa.

L’apparition de ce nouveau tout-terrain a révélé le fort besoin pour ce type de véhicule sur le marché. L’usine de Poznan a commencé à recevoir de nombreuses commandes de l’armée, de la police, de la compagnie d’électricité et du gaz, des sociétés forestières, des entreprises de constructions et des pompiers. Malgré le début de sa production en série et de nombreuses commandes, les travaux ont continué pour améliorer le Honker. Entre-temps et durant les premières années de production, une série de Tarpan Honker a été équipée de moteur turbodiesel Iveco développant 100 chevaux. Ce moteur s’est avéré être très bon mais son importation augmentait fortement le prix final du véhicule et on a continué l’étude du moteur Andoria 4C90, qui à partir de 1991 a pu être monté sous le capot du Honker.

Le Honker est toujours fabriqué jusqu’à aujourd’hui mais son histoire entre 1998 à 2014 est assez mouvementée. La production en série a débuté à l’usine FSR de Poznan en 1998. En 1996, Daewoo Motor Polska en a transféré la fabrication à sa filiale de Lublin. Le Honker a été un peu modifié : l’intérieur a été repensé, la suspension modifiée et le nom a changé en Daewoo Honker. Fin 2000 a été présentée une version portant le nom de Daewoo Honker 2000 dont la production a duré jusqu’en 2001, date à laquelle Daewoo Motor Polska a disparu du jour au lendemain de façon spectaculaire !

Après l’effondrement de Daewoo, une autre société, Andoria Mot, a pris le relais et fabriqué la voiture de 2002 à 2003. Les commandes militaires étaient faibles et on a essayé de jouer sur sa carrosserie pour le rendre plus attrayant pour les clients civils. Mais ces modifications n’ont pas produit l’effet escompté.

Le fabricant suivant du Honker, entre 2003 et 2007, a été le consortium russo-britannique Intrall Polska. En 2004, un prototype portant le nom de Honker Skorpion a été créé. Il s’agissait d’un véhicule spécialement destiné aux troupes polonaises engagées en Irak. La production n’a pas été phénoménale, allant de quelques dizaines à quelques centaines selon les années. C’était insuffisant pour soutenir la production, sans parler des travaux de modernisation trop coûteux.

En 2009, la société DZT Tyminski, une société à capitaux 100% polonais située dans la région de Podlasie, s’est intéressée à la production du Honker. Après quelques mois de préparation technique et la résolution des questions juridiques et immobilières, la production du Honker a pu reprendre. A partir d’août 2011, la société a opéré sous une nouvelle forme juridique sous le nom de « DZT Fabryka Samochodow w Lublinie Sp. z o.o » puis en septembre 2012, elle a adopté le nom de Fabryka Samochodow Honker.

La production du Tarpan Honker, renommé plus tard tout simplement en Honker, n’a jamais été très élévée. Tous les ans, ce sont entre 150 à 800 qui ont été fabriqués. La production de ce véhicule dépend essentiellement des commandes militaires. Voici par exemple le nombre de véhicule fabriqués certaines années : 1990 - 589 unités, 1992 - 450 unités, 1994 - 314 unités, 1995 - 288 unités, 1997 - 155 unités, 1999 - 800 unités, 2000 - 200 unités. 2004 - 450 unités. Lors d’un entretien téléphonique le 3 février 2011, un représentant de DZT Tyminski avait  indiqué : « (...) nous avons à ce jour construit un total de 70 Honker, dont 60 ont été livrés à l'armée polonaise et 10 à des clients civils. (...). Nous voyons 2011 avec optimisme. Nous prévoyons de produire et vendre d'ici la fin de l'année 500 nouveaux Honkers. (...) ».

Tout comme le GAZ-69, au cours des 20 dernières années, le Honker est devenu en Pologne le symbole de la jeep militaire type. L'armée polonaise en a acheté un grand nombre (50 à 80% de la production totale) même si elle n’a jamais cessé de tester et d’acheter des véhicules d’origine étrangère.

Légende des photos :

  • Le premier prototype du véhicule tout-terrain PW-1.
  • Un exemplaire préparé pour les troupes aéroportées. Ce véhicule était largué par parachute. Le pare-brise rabattable permettait de le transporter plus facilement par avion.
  • Le prototype PW-2 avec les 4 roues directrices. Au cours de son développement cette voiture a été surnommée le « Porte-avions » car elle était destinée à être utilisée sur les aéroports militaires.
  • Tests du prototype PW-2 sur le polygone d’essais.
  • (idem)
  • Un Honker dans l’armée polonaise dans les années 90.

Lu sur : http://nowahistoria.interia.pl/prl/news-polska-terenowka-tarpan-honker,nId,1579134
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #FSR, #Tarpan, #Honker, #Militaire