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La Grande Bretagne, Malte, l’Australie, l’Inde et quelques autres pays roulent à gauche. Peu de gens savent que l’URSS a rencontré un beau succès en fabriquant des voitures à conduite à droite et c’est pourtant une histoire passionnante.

C’est en 1965 que les soviétiques ont commencé à exporter vers un pays roulant du côté opposé. Les premiers « agents infiltrés » étaient des GAZ-21P converties pour satisfaire les normes locales. Elles ont été bientôt suivies par des Moskvitch. A la même époque on envoyait aussi en Inde des UAZ et des ZiL-130 à conduite à droite.

Ce qui est intéressant c’est que certaines « pruli » (*) restaient en Union Soviétique comme par exemple des Zaporojets ou des Moskvitch (ou plus précisément des IZH-2715) modifiées. Elles étaient particulièrement bien adaptées aux services de la poste. Pourquoi ? Parce que cela permettait au facteur de monter sur le trottoir pour relever ou remettre le courrier sans descendre de voiture et de continuer sa tournée. C’était très pratique et permettait de gagner du temps. Mais on croisait rarement ces inhabituels véhicules postaux dans les villes. La plupart de ces Moskvitch et Zaporojets à conduite à droite « vivaient » dans la région de Krasnodar. Allez donc savoir pourquoi !

On sait que la VAZ-2101 soviétique est étroitement dérivée de la Fiat 124. Cette « Italienne » a été exportée en Grande-Bretagne. Il y avait donc une version spécialement modifiée pour ce marché. C'est sans doute pourquoi les créateurs de la Jigouli ont eu ce raisonnement judicieux : « En quoi notre création serait-elle pire ? » et rapidement une nouvelle concurrente de la Fiat est apparue sur le marché britannique.

La première Lada à conduite à droite a été commercialisée en 1974. Il y avait deux modèles avec leur propres indice usine - 21012 et 21014. Puis les autres modèles de VAZ, de la « Dvoïka » à la « Semereka », sont eux-aussi devenus des « pruli ». Puis leurs descendantes à traction avant ont eu leurs versions à conduite à droite : 21086, 21087, 21088, 21096, 21097, 21098 et 210996.

En d'autres termes, à l'époque de l’URSS l'industrie automobile nationale n'avait pas de complexes et les voitures soviétiques ont essayé de conquérir des marchés étrangers, même exotiques.

En quoi ces modèles étaient-ils différents ? Si vous prenez les modèles classiques à propulsion, le transfert de la direction vers la droite obligeait un changement de position du servofrein, entraînant avec lui le circuit hydraulique et l’embrayage. Il est intéressant de noter que sur les « Troïka » et les « Chesterka » adaptée à la conduite à droite, la clé de contact restait sur le côté gauche. Le transfert des organes de direction « dans la boîte à gants » ne se limitait pas à cela. Il fallait aussi inverser de 180 degrés les essuie-glaces pour offrir au conducteur une plus grande surface d’essuyage pour une meilleure vision. En outre, le tableau de bord était « retouché » avec un compteur de vitesse traduit en miles.

Ce n’est d'ailleurs pas encore tout puisque par exemple la « Dvoïka » recevait un essuie-glace arrière et qu'une version spécifique au marché anglais de la VAZ-2101, la Lada 1300 ES, recevait une carrosserie avec une tôle plus épaisse. En outre, avant mise en peinture, la carrosserie subissait obligatoirement un traitement électrostatique et anti-corrosion. D’autres composants techniques subissaient aussi des changements : la transmission, le démarreur, l’embrayage, la batterie, l’échappement étaient renforcés en raison de la nature du climat anglais.

A l’usine, on faisait beaucoup plus attention à la qualité des voitures à conduite à droite. Il y avait même un centre d’exportation spécial où les voitures subissaient une quarantaine de contrôles différents. Et une fois arrivée en Grande Bretagne, les voitures soviétiques avaient le droit à un autre contrôle en près de 60 points ! La qualité des Jigoulis à conduite à droite était de plusieurs fois supérieure à celles des voitures destinées au marché intérieur.

Extérieurement les voitures étaient également différentes. Ainsi, les « Chesterka » destinées au marché britannique ont reçu en 1982 des pare-chocs en aluminium dans lesquels étaient intégrés les feux de position.

L’importateur Satra Motors Ltd modernisait les voitures soviétiques lui-même. La principale « pépite » anglaise était la version luxueuse de la VAZ-2106, la fameuse Lada 1600 ES. Les différences portaient sur le toit recouvert de vinyle et les jantes en aluminium Appolo Octavo chaussées en pneus Goodyear Grand Prix. En outre, ces voitures pouvaient recevoir un volant trois branches en cuir et un autoradio-cassette Radiomobile 310CSR avec une antenne sortant automatiquement de l’aile arrière.

Même la Niva a été modifiée pour les besoins du marché anglais. Les premières VAZ-21212 sont arrivées en Angleterre en 1978 mais il s’agissait exclusivement de voiture à conduite à gauche. Les Anglais ont dû attendre encore cinq ans avant de pouvoir avoir des conduites à droite ! Cela s’explique simplement. A l’époque, la Niva était considérée en Europe comme un très bon tout-terrain. Il y avait assez d’étrangers voulant acheter ce 4x4 et la direction de l’usine n’avait donc pas besoin de s’embêter avec une version à conduite à droite.

Ensuite, on ne sait malheureusement pas exactement combien de Niva LHD (Left Hand Drive) ont été construites mais il est clair qu’il y en a eu beaucoup. En 1987, il y a même eu une version « luxe » de la VAZ-21212 appelée Lada Niva Cossack. Elle comptait de nombreuses différences avec la version de base - c’est l’intérieur qui évoluait le moins - et de nombreux équipements pas nécessairement des plus pertinents.

Anecdote intéressante : la 12 millionième VAZ produite le 6 juillet 1989 était une Deviatka (une Samara VAZ-2109). En général, la Samara a connu une bonne demande en Europe. En soi, la voiture était bien assemblée, fiable et bien équipée. A l’époque elle coûtait moins cher que ses concurrentes directes. Il n’y a qu’une seule chose que les Britanniques n’aimaient pas : les vibrations excessives et la mauvaise qualité de ses plastiques intérieurs. En 1994, est apparue en Angleterre la série spéciale Lada Samara Juno. Elle se distinguait de la Samara normale par son kit carrosserie aérodynamique plaisant avec un aileron sur le coffre, ses seuils de porte sérigraphiés Juno et ses jantes 14 pouces. Son toit ouvrant, le système audio Blaupunkt et son volant sport étaient du dernier chic.

C’est avec cette Juno que l’histoire de la conquête du marché britannique s’est achevée. Dans les années 90, AvtoVAZ a connu des moments très difficiles. La priorité n’était plus donnée aux marchés étrangers et la version à conduite à droite de la « Deciatka » (Lada 110) n’a même pas été développée. Le marché britannique conquis après tant d’efforts a été perdu très rapidement et depuis AvtoVAZ n’y est jamais retourné.

Lu sur : http://svpressa.ru/auto/article/139599/
Adaptation VG

(*) NDT : ce terme, contraction de Pravorulie est employé fréquemment pour désigner l’envie indicible de rouler dans une voiture japonaise d’occasion dans les provinces de Russie Orientale.

Tag(s) : #Histoire, #URSS, #Export, #UK, #VAZ, #Lada