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La Trabant à l’assaut de Manhattan !

« Je ne sais pas si cette voiture est plus un piège à gonzesses ou un aimant pour des vieux originaires d’Europe de l’Est » rigole Andy Burzynski en conduisant dans le trafic du centre de Manhattan. Cet ingénieur de 48 ans se base sur l’expérience passée... La seule exception notable est cette blonde rayonnante qui s’est dirigée vers lui alors qu’il était arrêté dans un embouteillage sur la 52ème rue pour lui dire qu’elle avait grandi avec les Trabant dans l’ex-Allemagne de l’Est.

La plupart des gens le prennent en photo ou s’écrient « C'est quoi, ça ? » quand ils voient cette voiture ou entendent son moteur de seulement 26 chevaux remarquablement bruyant. Lancée en 1957 comme la réponse du bloc soviétique à la Volkswagen la Trabant – plus de 3 millions d’exemplaires – était fabriquée à Zwickau, une ville d’Allemagne de l’Est autrefois berceau d’Audi. Malgré une liste d’attente correspondant encore à plusieurs années de production, les ventes ont plongé après la chute du mur de Berlin, il y a près de 25 ans, et la dernière « Trabi » est tombée de chaîne en 1991.

Andy Burzynski et les autres amateurs aux USA le savent, 25 ans c’est aussi l’âge qui permet aux voitures qui ne respectent pas les normes de pollution et de sécurité d’être importées comme des antiquités... Une aubaine dans le cas de la Trabant. Cela signifie que les derniers modèles de Trabant, ceux âgés de 23 ou 24 ans, devraient bientôt arriver sur les côtes américaines ! Le modèle 1.1, raillé par certains puristes, remplaçait le moteur original proche de la tondeuse à gazon par un bloc relativement moderne dans une dernière et vaine tentative de rester dans la course après la réunification allemande.

La plupart des quelques 200 Trabant en circulation aux USA sont des 601, un modèle pratiquement inchangé entre 1963 à 1989. Environ un tiers d’entre elles ont été importées par Mike Annen, un collectionneur de 55 ans originaire de White Hall dans le Maryland. Il dit qu’il en possède « environ 30 » - il a arrêté de compter – et a vendu environ 40 de ces voitures crachant de la fumée qu’il surnomme des « taille-bordures dans une boîte en plastique ». Paradoxalement, il gère une entreprise d’entretien de pelouse « tout-électrique » pour les propriétaires soucieux de l’environnement.

La Trabant fait partie de nombreuses listes des pires voitures jamais produites, mais ne le dites pas aux dizaines de propriétaires qui doivent converger vers Washington pour leur huitième parade annuelle « Parade of Trabants » organisée par l'International Spy Museum, une institution privée remplie de souvenirs de la Guerre Froide.

La rencontre de cette année, prévue pour le 8 novembre, pourrait être la plus grande jamais organisée, puisque le lendemain aura lieu le 25ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Les éditions précédentes ont été aussi fantaisistes que les voitures elles-mêmes. Les activités incluaient un concours consistant à faire monter le plus de passagers dans une Trabant... Le record étant de 16 personnes dans une version « Kombi », sorte de Station Wagon du bloc de l’Est. L’exercice a une certaine connotation historique puisque les gens fuyaient clandestinement l’Allemagne de l’Est dans des compartiments cachés de la Trabant.

Le musée cité plus haut va aussi construire une réplique de Checkpoint Charlie et quelques-uns des propriétaires joueront le jeu en portant des uniformes de la Stasi. Un jeu apprécié de la plupart des participants, mais pas de tous. Une membre d’un club de teckel, invité à participer à l’évènement a décliné l’offre arguant qu’elle ne pourrait pas participer à cause du costume. « Ce n’est forcément un doux souvenir » acquiesce Amanda Ohlke du musée.

Justin Shepherd, 32 ans, vendeur d’appareils médicaux à San Antonio, sait tout sur les joies et les défis que représentent la conduite de ce morceau d’histoire. Modérateur du Trabant Forums, le plus grand forum de langue anglaise pour les amateurs de Trabant, il a entendu de nombreuses histoires de réparations improvisées sur le bord de la route. « Il y a un tas de choses que vous pouvez faire à la manière de MacGyver pour la remettre en état de marche ».

Les propriétaires de Trabant doivent s’habituer aux gens qui prennent constamment des photos. Andy Burzynski se rappelle comment cette BMW, dont le conducteur avait arrêté la circulation pour le prendre en photo, avait été emboutie par l’arrière. Heureusement, ni lui, ni Justin Shepherd n’ont eu d’accident de la circulation en Trabant. La voiture n’est pas faite en acier, denrée rare dans la RDA d’après-guerre, mais en Duroplast, une résine imperméable remplie de fibres de coton recyclé. Justin Shepherd préférerait d’ailleurs n’avoir jamais à tester la résistance de sa Trabant en cas de collision ! « Les gens plaisantent : ‘je ne sais pas pourquoi vous mettez votre ceinture de sécurité puisque de toute manière en cas d’accident vous êtes mort’ » indique-t-il en riant.

D’un autre côté, les Trabant sont si simples qu’elles nécessitent peu de compétences techniques pour être réparées. C’était bien pratique sous le communisme, quand les mécaniciens faisaient attendre leurs clients pendant des mois. « Ce qu’il y a de drôle c’est qu’on travaille constamment sur la voiture durant une sortie, en ouvrant le capot moteur ou en faisant autre chose » indique Amanda Ohlke. La conduite d’une Trabant peut être un challenge, comme par exemple le besoin d’avoir de l’huile à mélanger avec l’essence. Entrer sur une autoroute a aussi parfois quelque chose de déconcertant. « Je peux soutenir la vitesse du trafic... peut-être 60 miles par heure, dans une descente avec le vent dans le dos » précise Andy Burzynski. La conduire dans Manhattan peut aussi révéler les avantages de la Trabant. Ecrasée par les autres sur la route, elle prend sa revanche en se faufilant aisément dans les rues embouteillées du centre-ville !

Certains habitants de l’ancien Bloc de l’Est sont choqués d’apprendre que ces voitures sont maintenant des objets de collection. Des dizaines d’entre elles ont été tout simplement abandonnées au bord de la route à Berlin Ouest. Une plaisanterie de l’époque était : « Comment doubler vous la valeur d’une Trabant ? En faisant le plein ! ».

Au début des années 90, la Trabant ne valait pas plus de 100 dollars. Elle se vend environ 30 fois plus aux USA aujourd’hui. Mais c’est toujours une bonne affaire pour une voiture de collection. Elle pourrait toutefois continuer à augmenter. Un quart de siècle après la fin du communisme, ceux qui étaient trop jeunes pour mettre leur nom sur la liste d’attente de huit ans pour obtenir une Trabant, éprouvent une certaine nostalgie pour elle. Dans une région du monde où les jeunes couples devaient partager des appartements minuscules avec leur famille élargie, beaucoup prétendent qu’ils ont été conçus sur le siège arrière d’une Trabant.

Aujourd’hui, les touristes occidentaux voient la Trabant comme le symbole d’une époque révolue. Ceux qui visitent Berlin paient 60 euros pour un « Trabi Safari » à bord d’une voiture peinte avec des dessins lumineux comme des zébrures ou des tâches de léopard. Certains collectionneurs les considèrent comme une icône mécanique – une voiture qui a mis la conduite à la portée de millions de personnes, comme la Ford T l’a fait en Amérique. Les deux voitures sont à peu près aussi moderne et puissante l’une que l’autre...

Lu sur : http://online.wsj.com/articles/the-trabant-lures-car-collectors-feeling-nostalgic-for-soviet-bloc-1411612204
Adaptation VG

Tag(s) : #Cycle, #Trabi-50, #Trabant, #USA