En décembre 1976 la collection de ce « cher Leonid Ilitch » s’est complétée d’une nouvelle voiture : la limousine Tchaïka GAZ-14. A l’occasion de son trentième anniversaire, nous avons décidé de vous rappeler la courte, mais intense vie de cette limousine soviétique...
Sur la première page du manuel des points de graissage de la voiture on peut lire : « Pour le chef du garage du conseil des ministres de l’URSS, le camarade Klimov. Examiner la question sur la cession de la GAZ-14 N°134 au parc des voitures du KGB. 07.11.1980 ». Cette inscription est sûrement peu claire à la majorité d’entre nous mais Vladimir Leonidovitch Chevchenko sait de quoi il est question. Car celui-ci a eu l’honneur d’être le propriétaire de cette voiture d’apparat.
Les guébistes l’ont mis à la retraite mérité et en 1996 cette GAZ-14 Tchaïka portant le numéro de fabrication 134 est tombée dans les mains attentionnées de Vladimir. Il faut dire qu’après 16 ans d’exploitation dans différentes administrations, cette voiture était bien fatiguée ; et il n’est donc pas étonnant que notre spécialiste devait dépenser beaucoup de temps et de forces pour restaurer ce rare et intéressant exemplaire. Revenons donc 30 ans en arrière, dans les années du « socialisme rayonnant » et essayons de comprendre ce qui se cache sous le joli nom de « Tchaïka ».
A l’époque l’industrie automobile soviétique connaissait des succès sans précédent. Les chiffres d’affaires de KamAZ et de VAZ étaient au sommet et on présentait en permanence des nouveaux modèles de camions et de voitures. L’une d’elle fut la Tchaïka GAZ-14 fabriquée à Gorki. Elle avait remplacée la GAZ-13 qui était fabriquée depuis 1959. Vers le milieu des années 60, la première Tchaïka était déjà vieillissante et l’usine à commencer à travailler sur sa remplaçante, la GAZ-14. Les ingénieurs avaient pour tâcher d’augmenter le confort, la sécurité, la fiabilité et longévité de la voiture, d’améliorer ses paramètres dynamiques, et aussi réduire la fréquence de révision. C’est la raison pour laquelle ils proposèrent d’unifier avec la production existante un maximum de pièces. Les designers devaient créer une carrosserie à l’aspect harmonieux et indépendant des canons de la mode, tout en prenant en considération les coûts de production élevés et le faible volume de production prévu. Ils se sont affranchis de la tâche avec bonheur puisque même aujourd’hui la GAZ-14 paraît moderne, alors que la validation de son dessin sous forme de maquette à l’échelle date de 1969. Les designers sous la direction de Prosvirine ont donné vie à cette voiture en réalisant 8 prototypes entre 1967 et 1976. Après les tests routiers sur les routes de Crimée et du Caucase, une commission gouvernementale a donné son accord pour la mise en fabrication de la nouvelle Tchaïka. Les défauts relevés durant ces essais furent corrigés et en décembre 1976, la GAZ-14 Tchaïka numéro 1, de couleur rouge cerise foncé a été offerte à Leonid Brejnev pour sont 70ème anniversaire. La production en série de la nouvelle génération de Tchaïka commença réellement en octobre 1977.
La voiture disposait d’un schéma de construction classique : le moteur à l’avant et les roues arrière motrices. La carrosserie était posée sur un châssis en X. Cependant pour augmenter l’espace habitable l’empattement avait été allongé de 200mm (pour 3450mm au total). En comparaison avec la GAZ-13, la hauteur perd 40mm (soit 1580mm), ce qui abaisse le centre de gravité, diminue la résistance aérodynamique, et augmente la stabilité à haute vitesse.
La création de cette nouvelle GAZ constituait un pas considérable dans l’histoire de l’industrie automobile soviétique. Le modèle se distinguait par son haut niveau technologique et son confort. C’est par exemple sur cette voiture que l’on trouve pour la première fois des freins avant à disque ventilés, des soupapes à poussoir hydraulique, la suspension avant sans axe de pivot, les laves phares à pression, le dégivrage de la lunette arrière, etc...
Le moteur de la Tchaïka était bien équilibré. Le vilebrequin dispose d’arbres d’équilibrages, les poussoirs hydrauliques contribuaient à la réduction du bruit, et le double système d’allumage et d’alimentation en carburant (les deux pompes à essence et deux carburateurs double corps) étaient fiables à 100%. Le moteur V8 5,5 litres de 220 chevaux emmenait facilement cette voiture de 2,6 tonnes à 175 km/h. Il lui fallait 15 secondes pour atteindre 100 km/h.
Pour augmenter la sécurité, le circuit de freinage était doublé, et chacun agissant sur les deux roues avant et une roue arrière. Un témoin au tableau de bord indiquait la panne de l’un ou l’autre des circuits. Grâce aux pneus sans chambres à haut profil, de la suspension molle et de l’empattement long, la voiture voguait littéralement sur la route.
Les Tchaïka soviétiques étaient des voitures particulières. Elles n’étaient pas fabriquées à la chaîne, mais quasiment à la main dans un atelier des petites séries spécialement créé par GAZ. Chaque pièce fabriquée par l’usine recevait un « passeport » où étaient consignées toutes ses particularités, et où les spécialistes ayant participé à son élaboration apposaient leur signature dans une colonne. Bien que les pièces de carrosserie étaient embouties et que les éléments étaient interchangeables, l’assemblage de la carrosserie demandait beaucoup de travail manuel et une grande exactitude. Le réglage des jeux de carrosserie, et le montage des pièces chromées étaient souvent repris plusieurs fois. Après l’assemblage l’état de surface de la carrosserie n’était pas rattrapé avec du mastic traditionnel mais repris avec une couche d’étain, bien entendu à la main.
A l’intérieur, les appuis-tête et les accoudoirs des sièges étaient recouverts de laine naturelle ou de cuir, en majorité du cuir Connolly anglais, le fournisseur d’Aston Martin, Bentley et Rolls-Royce. La banquette du milieu était rabattable et si nécessaire elle pouvait s’effacer au dos des sièges avant. Deux matériaux étaient disponibles pour recouvrir l’habitacle : beige ou vert foncé.
La peinture de la carrosserie était un émail spécial, une couleur totalement noire appelée « Corbeau noir ». Entre chaque application, les quinze couches de peintures étaient soigneusement polies.
Le confort des « serviteurs du peuple » était assuré par des vitres électriques, allumes cigare, quatre cendriers, le téléphone, le dégivrage des vitres latérales et de la lunette arrière, une installation audio haut de gamme de marque « Radiotechnica » avec un lecteur de cassettes « Vilma ». Les commandes étaient situées uniquement dans les accoudoirs de la banquette arrière : le conducteur était donc obligé d’apprécier les goûts musicaux de la personnalité transportée.
En fin de fabrication, chaque voiture devait passer des tests gouvernementaux. GAZ ne disposait pas de son centre d’essai et les Tchaïka devaient soit parcourir des centaines de kilomètres sur les routes de la région, soit être envoyées au polygone d’essai de la ville de Dimitrov. Ensuite les voitures retournaient à l’atelier des petites séries, pour être révisées, pour être peintes et polies à la main encore une fois. Et seulement après cela, elles étaient remises à leurs clients.
La Tchaïka était destinée aux hautes administrations et aux représentations diplomatiques et économiques à l’étranger. Une Tchaïka coûtait aux contribuables soviétiques 72,800 roubles et certains exemplaires coûtaient deux fois cette somme.
La majorité des Tchaïka avaient une carrosserie berline 4 portes sans séparation intérieure, mais sur commande spéciale on pouvait obtenir une limousine avec une cloison en verre séparant le conducteur des VIP. Sur commande du Ministère de la Défense de l’URSS ont été fabriquée des cabriolets de couleur grise. Ces voitures étaient destinées aux parades militaires dans différentes circonscriptions. L’une d’elle fût même accordée à Fidel Castro pour son usage personnel. Un de ces cabriolets a été vu récemment lors d’une parade militaire à Kiev. En tout, 15 cabriolets GAZ-14 ont été fabriqués.
Le vol de la Mouette (c’est la traduction russe de Tchaïka) a duré 11 ans, mais s’est achevé de manière ridicule et stupide. Durant la perestroïka, la lutte contre les privilèges a eu raison non seulement de sa production, mais aussi de son atelier, de la documentation technique et du matériel d’emboutissage. La dernière Tchaïka a été produite le 24 octobre 1988. En tout, l’atelier des petites séries de l’usine de Gorki en a fabriqué 1114 exemplaires.
Quelques centaines d’exemplaires ont survécu jusqu’aujourd’hui. On peut encore les croiser sur la route grâce aux collectionneurs et restaurateurs, qui ont su conserver ou redonner vie à ces belles voitures, qui ont emporté avec elles une partie de l’histoire de notre pays.
Caractéristiques techniques :
Type de carrosserie : berline
Nombre de portes/places : 4/7
Dimensions (L/l/h) en mm : 6114/2020/1580
Empattement en mm : 3450
Voies AV/AR en mm : 1580/1580
Poids à vide et en charge, kg : 2605/3165
Volume du coffre, en litres : nc
Volume du réservoir, en litres : 100
Moteur à essence et carburateur.
Type, nombre de cyl, nombre de soupapes par cyl : V8/2
Cylindrée, en cm3 : 5530
Puissance kW(ch) à tr/min : 162(220)/4200
Couple maxi, Nm/tr/min : 451/2700-2800
Transmission aux roues arrière
Boîte de vitesse : automatique à 3 rapports
Parties roulantes :
Freins AV/AR : à disques ventilés/à tambours
Suspension AV/AR : indépendante à ressort ; ressort rigide
Assistance de direction : hydraulique
Pneus : 9,35-15
Performances :
Vitesse maxi ; km/h : 175
Accélération de 0 à 100km/h, sec : 15,0
Consommation sur route et en cycle urbain, l/100km : 17,5-29,0
Lu sur : http://www.autocentre.ua/article/10311.html
Adaptation VG