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Il n’est pas difficile de critiquer les voitures soviétiques : aussi triste soit-il, il faut admettre, les voitures produites en URSS n’ont jamais été aussi puissantes, aussi confortables et aussi techniquement avancées que leurs homologues occidentales. Mais elles avaient d’autres avantages : simplicité, faible coût d’utilisation et fiabilité. C’est pourquoi les Moskvitch brillaient dans les rallyes-marathons et ont même connu la victoire en championnat de voitures de tourisme en Angleterre ! Au début des années 80, l’Union Soviétique a décidé de conquérir un nouveau sommet du sport automobile mondial : le championnat du monde des rallyes. Mais les temps difficiles ont mis fin à cette idée ainsi qu’aux perspectives de finaliser un moteur très intéressant.

En Union Soviétique, on utilisait des turbines pour les avions à réaction et les centrales électriques mais certainement pas dans les voitures. Pourquoi rechercher l’efficacité énergétique ou l’augmentation de puissance alors que le pays dispose d'une mer de pétrole et qu’il n’existe aucune autoroute où la vitesse est illimitée ? Le sport automobile soviétique n’avait pas non plus besoin de la suralimentation car les voitures de course pour les championnats locaux ne différaient pas beaucoup des voitures « civiles ». Mais pour prendre part à des compétitions internationales, il devenait de plus en plus difficile de se passer de turbo.

Le formule d’Enzo Ferrari « Gagner le dimanche pour vendre le lundi » fonctionne pour tous les marchés. On la comprenait aussi en URSS. C’est pourquoi, la participation des Moskvitch, Jigouli et Volga aux compétitions internationales était une nécessité vitale. Après tout, si les voitures se distinguait en course, elles se vendraient bien dans les pays capitalistes et ramèneraient des devises étrangères à l’Union Soviétique. C’est aussi simple que cela.

Jusqu’au milieu des années 70, la préparation des voitures pour les compétitions internationales était le fait des usines ou d’amateurs dans leur propre garage. Mais en 1975, la situation a radicalement changé : la Fabrique de Moyens de Transports de Vilnius (VFTS) en Lituanie, spécialisée dans la construction de voitures pour les compétitions a fait son apparition. La nouvelle entreprise d'État se distinguait non seulement par sa proximité géographique avec le sport automobile d’Europe occidentale, mais aussi par son personnel qui comprenait les meilleurs pilotes et ingénieurs de l'Union Soviétique. Y compris le maître des sports Stasis Brundza.

La VFTS a rapidement construit des voitures que le Soviétique moyen n’aurait même pas pu imaginer. Tout d’abord cette Kopeïka « de folie », la Lada 1600 Rally qui a participé au Rallye de l'Acropole et au Rallye des 1000 lacs. Puis un peu plus tard, par la VAZ-2105 VFTS, préparée selon la réglementation FIA Groupe B.

On a beaucoup écrit et entendu sur la réussite de cette « Piaterka ». La berline allégée à 980 kilogrammes et au moteur de 160 chevaux passait de 0 à 100 km/h en 9 secondes et sa vitesse maximale était très proche de 200 km/h. C'est pourquoi cette voiture fabriquée chez VFTS était sans égal dans les compétitions en URSS et les courses amicales des pays socialistes. De nos jours, de nombreux collectionneurs essaient de se procurer cette « Classique de combat », mais ce n'est pas chose facile : il ne reste plus beaucoup d'exemplaires vivants.

La 10ème classe du groupe B était bien sûr quelque chose de formidable et prestigieux. Cependant, Statis Brundza et son équipe pensaient que Lada atteindrait la 12ème classe, la même où concourraient les monstres de 300 chevaux et plus de Lancia, Audi et autres. Par conséquent en 1985, la berline Lada 2105-T16 VFTS a été préparée pour faire ses débuts au rallye Soyouz-1985.

Si extérieurement la version T16 ne différait pas beaucoup des autres VFTS - seule une étrange prise d'air sur le capot attirait l’attention - structurellement, la voiture avait été modifiée presque complètement. Le compartiment moteur était occupé par un moteur pratiquement nouveau avec deux arbres à cames, 16 soupapes et… un turbocompresseur ! Bien que la cylindrée du moteur ne fût que de 1,772 cm3, la surpression de 1 bar permettait de tirer 240 chevaux. Un résultat similaire, même en 2020, impose le respect surtout que ce moteur avait été construit sur la base d’un bloc de série.

La presse étrangère a rapporté que le développement du moteur avait été achevé en 1981, mais les ingénieurs apparemment ont eu besoin de quelques années supplémentaires pour maîtriser le turbocompresseur et le faire travailler de concert avec le carburateur Weber. Néanmoins, la toute première spéciale du rallye Soyouz-1985 a montré qu’il y avait encore beaucoup de travail : le moteur s’est littéralement effondré, ne permettant pas à la voiture de terminer la première journée de compétition.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ce moteur prometteur était si peu fiable. La première est le carburateur. Les équipes occidentales disposaient déjà toutes de l’injection (en particulier lorsqu’elles engageaient un moteur turbo), mais la VFTS n’avait pas de spécialistes capables de créer rapidement un système à injection, ni les budgets pour faire venir cette technologie de l’étranger.

Le deuxième problème était l’absence d’intercooler avec ce turbo soufflant à 1 bar. Même si la prise sur le capot aurait permis d’alimenter en air frais un échangeur de chaleur placé horizontalement au-dessus du moteur comme plus tard sur la Subaru Impreza turbo.

La troisième raison de cet échec était l’emplacement des carburateurs directement devant le turbo. Dès la fermeture du papillon des gaz, l’huile tombant dans le turbocompresseur en raison de la pression élevée était envoyée vers le collecteur d’admission et vers les chambres de combustion. Le résultat était une détonation et une destruction rapide du moteur.

Néanmoins et durant le peu de temps qu’elle a roulé, la voiture a réussi à sérieusement impressionner Statis Brundza. « Je me souviens quand nous avons construit la première Lada turbocompressée. Les roues motrices patinaient en permanence, mais le moteur était instable et il a rendu l’âme lors de la toute première spéciale. Mais c’était suffisant pour comprendre que même des virages très rapides pouvaient être pris avec une dérive contrôlée de l’essieu arrière » se souvenait le pilote lituanien en 2007.

Bien que l’expérience avec la Lada 2105-T16 VFTS soit généralement considérée comme un échec, elle constitue le fondement d’une autre voiture soviétique turbocompressée : la célèbre Lada EVA que, sans doute, tous les garçons soviétiques avaient en poster dans les années 1980. Dans le cas de l’EVA, les ingénieurs de la VFTS n’avaient pas lésiné avec en autre un système d’injection Lucas. C’est pourquoi son moteur VAZ-2106 modifié de 1860 cm3 développait jusqu’à 300 chevaux. Cependant, il s'agit d'une autre histoire, non moins dramatique, qu’il faudra vous raconter un jour.

Le moteur de la Lada 2105-T16 VFTS a survécu jusqu’à aujourd'hui (au moins l’un des moteurs fabriqués) et se trouve chez Gabura Motorsport en Bulgarie. Cette société a complètement restauré cette pièce unique de l’histoire du sport automobile soviétique et est même prête à en produire des répliques que ne casseront pas après une demi-heure de fonctionnement.

Mais il y a deux problèmes. Le premier :  Gabura Motorsport est prêt à fournir des moteurs uniquement en gros (à partir de 10-15 exemplaires). Le second : ce plaisir coûte très cher. Quand on sait déjà que la boîte 6 rapports séquentielle, conçue pour supporter 600 chevaux, coûte près de 10 mille euros… La Lada 2105-T16 VFTS originale était équipée d’une boîte manuelle à 5 rapports.

En URSS, l’histoire des voitures particulières à moteur turbo s’est terminée avec les Lada 2105-T16 VFTS et EVA. D’autres moteurs inhabituels ont aussi été développés en Union Soviétique, mais ça c’est également une autre histoire.

Lu sur : https://mag.auto.ru/article/firstsovietturbo/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #VAZ, #Lada, #2105, #VFTS, #EVA, #Turbo, #Rallye