- « Et bien, Leonid Ilitch ? » De cette question posée au Premier Secrétaire par Nikita Khrouchtchev dépendait le sort de la Moskvitch-444.
- « C’est une voiture normale. Une bonne voiture, répondit Brejnev en s’extrayant de la place conducteur. On lui donne le feu vert pour la production ? »
- « Vous êtes sûr ?, répondit soudainement Nikita Sergueïevitch avec un sourire sournois. Si Novikov s’en sort, alors tous pourront la conduire. Et nous pourrons la produire en grande série ».
Tous se sont alors retournés. A côté de Khrouchtchev se tenait, du haut de ses deux mètres, le directeur du Gosplan, Vladimir Nikolaïevitch Novikov.
Peu de gens, sauf les connaisseurs, savent à quoi ressemble cette Moskvitch-444. Mais s'ils voient des photos, ils n’auront aucun doute : il s’agit bien d’une Zaporojets ! Une ZAZ-965 pour être précis. Cette bien cette petite berline deux portes disgracieuse, qui pour de nombreuses familles soviétiques est devenue LA première voiture. Et la « 444 » est le prototype de pré-série de la future Zaporojets. Un prototype conçu par des ingénieurs moscovites en copiant un modèle italien et en regardant du côté de la technologie allemande et française.
Bien entendu, au début, personne n’imaginait que cette petite Moskvitch serait produite à Zaporojié. L’Usine Moscovite de Voitures de Petites Cylindrées (MZMA) avait besoin d’une voiture compacte pour prendre la succession de la « 401 », un modèle simple et bon marché, mais désespérément obsolète. La dernière nouveauté de MZMA, la Moskvitch-402 était trop chère, 15,000 roubles ! Cela laissait un trou dans l'offre de modèle de l’industrie de l’URSS : une moto avec un side-car ne coûtait pas cher et la voiture particulière la plus abordable de l’époque (précisément cette « 402 ») était inaccessible à la grande majorité des citoyens de l’URSS. Il fallait créer quelque chose pour combler ce fossé.
Avec la future Moskvitch-444, on a effectivement comblé le fossé existant entre la moto et l’automobile : on ne disposait pas d’un moteur suffisamment compact et c’est pourquoi les ingénieurs ont choisi le bicylindre à plat 649 cm3 de 17,5 chevaux de l’Usine de Motocyclettes d’Irbit. Ce moteur était censé entraîner une voiture de près d’une tonne en pleine charge ! On aurait pu essayer de copier un moteur étranger et en lancer la production, mais en « haut-lieu » on n’en a pas donné l’autorisation. On a toutefois conseillé de s’inspirer de la Fiat 600. Nikolaï Strokine, le ministre de l’industrie automobile de l’URSS, était littéralement tombé sous le charme de cette voiture après un voyage en Grande-Bretagne en 1957.
La copie soviétique différait toutefois de l’originale. Par exemple, les jantes de 12 pouces avaient été remplacées par des 13 pouces. Une simple modification ? Non. Une vraie catastrophe car pour les adapter à une voiture aussi compacte, il avait fallu modifier le plancher et revoir la cinématique de suspension... De plus, le dessin de la carrosserie avait été revu : la silhouette de la célèbre « Gorbaty » se distinguait par un embouti caractéristique sur la partie avant et le pare-brise et la lunette arrière étaient... interchangeables ! Les ingénieurs avaient également revu la boîte de vitesse : les aciéries de l’URSS ne pouvaient pas fournir la même qualité de métal que celle mises à disposition des Italiens...
En octobre 1957, il y a exactement 55 ans, a été réalisé le premier prototype. Il a permis de voir que le moteur de motocyclette devait rapidement être changé. « Les accélérations sont catastrophiques et la vitesse de pointe lamentable : 80 km/h au lieu des 95 km/h prévus » notèrent à l’époque les pilotes essayeurs. « Le moteur devra être reconditionné après à peine 30,000 km ». Les ingénieurs devaient trouver une solution. Comment faire ? MZMA prit alors la décision de réaliser son propre moteur pour la voiture. Un moteur s’inspirant de celui de la Citroën 2CV : refroidissement par air, à plat, faisant une cylindrée de 748 cm3. Mais les travaux ont pris du retard...
Le choix de la Citroën 2CV n’était pas un hasard : en créant la « 444 », les ingénieurs soviétiques ne copiaient pas uniquement les Fiat 500 et 600. L’institut NAMI avaient essayé et démonté jusqu’au moindre boulon quelques dizaines de voiture étrangères, parmi lesquelles, l’emblématique BMW 600, la Citroën mentionnée ci-dessus et la Volkswagen Coccinelle. Et quand il est devenu clair que la Fiat-600 devrait subir quelques modifications (sa suspension était trop faible pour les routes soviétiques et son moteur trop erratique pour les conditions du pays), les ingénieurs ont imaginé une solution hybride : suspension avant à bras oscillant et barres de torsion comme sur la VW et moteur de BMW.
Le plus intéressant dans l’histoire c’est que la voiture était quasiment prête mais qu’on n’avait toujours pas de moteur ! Pire encore, la direction de MZMA a fini par reconnaître qu’elle « n’avait pas la capacité de produire une petite voiture ». Pour faire simple : la Moskvitch-444 ne serait jamais fabriquée en série ! Heureusement et étonnamment, on a trouvé une solution à ces deux problèmes très rapidement : le Conseil des Ministres de l’URSS a publié un décret « pour la mise en production d’une petite voiture » et NAMI a proposé deux moteurs de sa propre conception : le moteur à plat NAMI-965G (en fait une copie du moteur de la Coccinelle) et le moteur en V NAMI-965V. Comme on sait, c’est ce dernier qui a été choisi pour prendre place sous le capot de la future Zaporojets.
Heureusement aussi que Novikov, qui avait fait l’objet de la blague de Khrouchtchev lors de la présentation de la « 444 » au Kremlin, avait réussi à prendre place à l’intérieur et à en sortir. La voiture a été approuvée, la documentation technique et les prototypes de Moskvitch-444 ont été transmis à l’usine ukrainienne Kommunar, une usine qui produisait des moissonneuses-batteuses, des tracteurs et d’autres machines agricoles. C’est là que ce prototype Moskvitch-444 est devenu la Zaporojets-965 de série. Et c’est ainsi qu’a débuté l’Usine Automobile de Zaporojié (ZAZ), mais ça c’est déjà une autre histoire.
Légende des photos :
- L’Europe de l’Après-Guerre aimait vraiment les microcars ou voitures populaires. VW Coccinelle, Citroën 2CV, Fiat 500 et 600, mais aussi celles qu’on a déjà oublié : Goggomobil, Lloyd, Steyr...
- Le moteur de moto MD-65 se distinguait par son carter très profond et c’est pourquoi les créateurs de la petite Moskvitch avaient dû trouver une astuce pour lui donner une garde au sol suffisante et avaient équipé la voiture de réducteurs ! Une solution technique issue du monde militaire qui fut ensuite reprise sur les petits tout-terrains LuAZ.
- Les différences entre la ZAZ-965 de série et le prototype Moskvitch-444 (certaines sources parlent de Moskvitch-650 ou de MZMA-965) sont minimes. Vous noterez que le nom du modèle « Zaporojets » est écrit en ukrainien ! Il parait que c’est Khrouchtchev lui-même proposé de l’écrire de la sorte.
- Le moteur à plat NAMI-965G aurait pu aboutir à un procès. Alors qu’on envisageait de monter ce moteur, un clone du moteur de la Volkswagen, sous le capot de la ZAZ-965, on a informé NAMI que les Allemands étaient au courant et étaient prêts à porter plainte pour plagiat. Une autre version indique que chez NAMI on voulait bien imposer le moteur bicylindre en V...
- La Moskvitch-444 s’est finalement transformée en ZAZ-965 et a été transférée à l’usine Kommunar. Comme cette entreprise n’avait aucune expérience dans la production automobile, on a fait venir des ingénieurs et des techniciens des grands centres de production industriels de l’URSS : Moscou et Gorki.
- Ce sont déjà des Zaporojets de série. Pratiquement dès le débuts on a relevé ses défauts : le faible volume du coffre, le niveau sonore élevé du moteur, les faibles accélérations, le moteur qui surchauffe l’été, le démarrage difficile par temps froid, l’habitacle étroit. C’est pourquoi ZAZ a commencé pratiquement immédiatement l’étude d’un nouveau modèle, la ZAZ-966.
Lu sur : https://auto.mail.ru/article/38957-moskvich-444_zrobleno_v_ukrani/
Adaptation VG