Dans les années 60, l’URSS était confrontée à un problème : il y avait une demande effective de voitures mais l’industrie automobile elle-même n’avait pas la capacité de production nécessaire. L’offre limitée (dans les faits, on ne proposait aux acheteurs potentiels que des Zaporojets et des Moskvitch) a conduit le pays à acquérir auprès des Italiens une licence pour produire une Fiat 124 modernisée. Néanmoins, certains suggéraient aussi de « dupliquer » les usines et de lancer des modèles conçus sur la base des modèles existant par des ingénieurs soviétiques . Comme la Zaporojets était trop petite et peu pratique et que la Volga, au contraire, était excessivement « officielle » et coûteuse c’est vers la Moskvitch que l’on s’est tourné.
Avec le soutien du président du Conseil suprême de l'économie nationale de l’URSS, Dmitri Oustinov, un décret fut signé à l’été 1965 (c’est-à-dire à l’époque des négociations pour créer la Jigouli) pour organiser la production automobile chez IZHmash, une usine du complexe militaro-industriel. Et presque immédiatement, son bureau d’étude à commencé à travailler sur le développement d’un modèle prometteur sur la plateforme de la Moskvitch alors que, bien entendu, personne n’avait encore fourni les orientations techniques du projet. L’armement et l’automobile appartiennent à des secteurs d’activité complètement différents, mais les deux sont généralement le fruit d’une puissante ingénierie...
Pour organiser la production automobile en Oudmourtie, des sommes énormes ont dû être investies : sur un terrain de 120 hectares a été construite une usine dont la surface totale des ateliers s’élevait à 500,000 mètres carrés. L’équipement productif venait de l’étranger : en particulier une presse de 160 tonnes qui avait été commandée en France pour l’emboutissage des panneaux de carrosserie. Des machines pour la soudure, la peinture, le traitement et l’assemblage des carrosseries avaient été également achetés sous licence dans ce pays, en particulier auprès de Renault. En URSS, l’industrie automobile française avait une très bonne opinion et ce n’est pas un hasard si la Renault 16 avait également été considérée comme un choix possible pour une production sous licence dans la future Usine Automobile de la Volga (VAZ).
La production en Oudmourtie a commencé presque simultanément avec celle du géant de l’automobile de Togliatti, à l’automne 1970. Et déjà en 1971, environ 70,000 IZH avaient été fabriquées. Sur le plan technologique l’Usine Automobile d’Ijevsk était clairement en avance sur son « donateur » moscovite, l’Usine Automobile du Komsomol de Lénine (AZLK). C’est pourquoi les IZH des premières années surpassaient même les Moskvitch similaire en termes de qualité de fabrication et d’assemblage !
Mais revenons à la IZH Kombi. Peu de temps après la sortie du modèle susmentionné, la Renault 16 qui avait le Trophée européen de la voiture de l'année en 1966, les ingénieurs d’Ijevsk avait présenté le prototype de leur « cinq portes ». Pas un break habituel mais une voiture avec une lunette arrière en forte pente et un toit allongé par rapport à la berline. En termes de fonctionnalités, la carrosserie de cette voiture était un croisement entre une berline respectable et un break utilitaire. L’ouverture de la cinquième porte était beaucoup plus grande que celle d’une Moskvitch ordinaire et extérieurement la voiture était très élégante !
Elle différait sensiblement de la Moskvitch originale par une partie avant arborant abondance de chrome et à la calandre caractéristique où les phares rectangulaires - au lieu des habituels phares ronds - étaient encastrés dans des renfoncements. Et les feux arrière de taille plutôt grande étaient radicalement différents des modestes « lampes torches » moscovites.
Ces modifications en faisaient une voiture complètement nouvelle, n’ayant presque rien en commun avec la Moskvitch. Bien sûr, les portes et le pare-brise ne changeaient pas, mais la voiture avait une silhouette dynamique qui la rapprochait de la « première hatchback du monde », à savoir le modèle Renault 16. Globalement, elle pouvait aussi rappeler par sa forme extérieure, une autre Française, la Citroën GS. La Volkswagen Passat B1 et l’Audi 100, apparues plus tard, ne font que confirmer l’exactitude de la direction choisie par les ingénieurs d’Ijevsk.
Malgré son apparence inhabituelle, les hauts dirigeants du Ministère de l’industrie automobile de l’URSS n’ont pas mis fin au projet, comme ils l’ont fait dans la décennie suivante avec certains Moskvitch, Volga et même IZH expérimentales. Après la mise en production de la Moskvitch 412 chez IZHmash, l’usine a également commencé à travailler sur ses propres modèles basés sur la voiture moscovite. Tout d’abord on a lancé la production de la fourgonnette IZH-2715 qui a reçu le surnom de « talon » en raison de sa forme caractéristique puis celle de cette IZH Kombi. Aujourd’hui, une voiture comme celle-ci peut sembler assez ordinaire, mais au début des années 1970, dans le contexte des autres modèles Moskvitch et même de la toute récente VAZ-2101, la voiture d’Ijevsk a fait sensation.
Pour un acheteur soviétique conservateur, l’apparence de la IZH-2125 aurait même pu sembler trop avant-gardiste s’il n’y avait eu un « mais » - l’aspect pratique. Les premiers acheteurs de la nouvelle IZH se sont vite rendus compte que le niveau de praticité de ce type de carrosserie était bien supérieur à celui d’une berline ordinaire bien qu’elle ne donnât pas l’impression d’être un break utilitaire en raison de la forte inclinaison de son hayon. Il est intéressant de noter que celui-ci était maintenu en position ouverte par des vérins. Une différence importante avec les breaks était la présence d’une tablette qui séparait le coffre à bagages de l’habitacle. Bien sûr, le coffre n’était pas complètement isolé des passagers comme sur les berlines, mais l’habitacle de la IZH Kombi était presque aussi silencieux et confortable qu’une « limousine » à quatre portes ordinaire.
Près du réservoir à essence situé sous le plancher arrière se trouvait une niche pour placer la roue de secours et des outils. De nombreux propriétaires y logeaient une réserve de fluides et des pièces de rechanges, pouvant être utile sur la route. Banquette arrière rabattue, le volume du coffre dépassait le mètre cube - un chiffre excellent étant donné les dimensions et la destination de cette voiture ayant une capacité de charge de seulement 200 kg.
Bien sûr, l’allongement du toit et la grande ouverture du hayon avaient affaibli la carrosserie par rapport à la berline ordinaire. Par conséquent, l'arrière de la IZH-2125 avait été renforcé avec l’intégration d’une sorte de cadre. Et pour que la suspension puisse faire face à la charge, des lames de ressort supplémentaires avaient été introduites. Par la suite la IZH Kombi, solide et sans prétention, a été pleinement appréciée par de nombreux propriétaires pour sa grande capacité de transport - en particulier ceux vivant dans les zones rurales. Sacs de pommes de terre et autres produits agricoles, matériaux de construction et même animaux - voilà le genre de cargaison que la première liftback soviétique a été amenée à transporter ! Et certains automobilistes rajoutaient aussi une galerie sur le toit...
Détail intéressant - ce modèle avait deux noms officiels : IZH-2125 et IZH Kombi. En règle générale, la plupart des Soviétiques appelaient la voiture de cette façon - IZH Kombi. Un nom commercial inhabituel par ses racines allemandes - dans la presse spécialisée il est habituel de désigner sous ce nom une voiture avec une cinquième porte et non un couvercle de coffre.
Le nouveau modèle d'IZHmash a commencé à être produit en 1973. Techniquement, la voiture était une Moskvich 412 habituelle, et plus précisément sa dernière version avec un moteur UZAM-412 de 75 ch. et un intérieur « plus noble ».
Il est intéressant également de noter que le lancement sur le marché du nouveau modèle AZLK-2140 a bénéficié à la IZH Kombi. En 1975, des prototypes « essayaient » déjà les poignées de porte de sécurité et adoptaient un nouveau dessin pour la grille de calandre. Cependant, le restylage de la IZH-2125 a été quelque peu retardé : au début la nouvelle IZH-21251 n’a reçu qu’un système de freinage à double circuit avec disques à l’avant et servofrein hydraulique. Par la suite, le système de refroidissement par circuit fermé et vase d’expansion a été adopté et l’amélioration de la transmission a permis de passer à l’huile TAD-17.
C’est au début des années 1980 que sont intervenus les premiers changements extérieurs. Avec ce restyling, la IZH Kombi est devenue nettement plus moderne et a perdu les éléments de finition « luxueux » qui avec le temps étaient devenus inutiles. Ainsi, la voiture s’est débarrassée non seulement de ses archaïques déflecteurs de portes et ses phares rectangulaires et ses chromes ont été remplacés par de la peinture noire. L’expression du visage de la IZH-21251 a été simplifiée tout en devenant plus ennuyeuse. Si une décennie plus tôt, la IZH Kombi ressemblait à une sorte de dandy étranger, alors après sa modernisation, elle ressemblait à un gars de la campagne venu en ville pour étudier dans une école professionnelle !
Sur la IZH-21251 la tôle de toit était un peu plus mince. Cela avait conduit à quelques changements dans sa conception. Les rainures longitudinales sur le toit permettent de distinguer la IZH-Kombi restylée des premiers modèles.
Sur la IZH-21251, les poignées de porte de sécurité étaient située sous la ligne de caisse alors que sur la Moskvitch 2140 elles étaient situées directement au-dessus de celles-ci. C’est précisément par l’emplacement de ces poignées qu’il était dans les années 1980 possible de distinguer sans équivoque la production de l’usine de Moscou de celle d’Ijevsk car les changements apportés à la IZH Kombi avaient ensuite été appliqués aux autres modèles de la gamme.
Comme chez ses collègues de Moscou, l’Oudmourtie voulait également produire sa propre version « superluxe », c’est-à-dire une version avec un équipement et une finition améliorée. Le prototype IZH-21251 SL se distinguait par une partie avant différente avec phares rectangulaires avec des essuie-phares et un spoiler, des baguettes chromées supplémentaires et des enjoliveurs différents. Mais ce modèle n’a pas été fabriqué en série, la IZH Kombi étant condamnée à rester une voiture « utilitaire » pour se rendre à la campagne et à la datcha.
A la fin des années 1980, malgré la décennie et demie écoulée depuis son apparition, la IZH Kombi continuait à connaître une demande stable en raison d'une combinaison réussie de qualités : bonne capacité de chargement, endurance, absence de prétention, simplicité et relative fiabilité. « Son » acheteur savait exactement pourquoi il en avait besoin !
Certes, au début des années 1990, la qualité avait considérablement baissé et dans les premières années après l’effondrement de l'URSS, elle avait même de quoi déprimer. Quelques exemples choquants : il n'était pas rare que des voitures soient peintes ... sans apprêt, c'est-à-dire directement sur le métal. Une autre possibilité était de recevoir une voiture neuve sans… amortisseurs, et à en juger par la peinture intacte sur la carrosserie, « ils n'avaient même jamais été montés ».
Au milieu des années 1990, IZHmash avait finalement maîtrisé le lancement de son « projet à long terme » - le nouveau modèle IZH-2126. Ce modèle fut la raison de l'arrêt de la production de la IZH-21251 en 1997 après la restructuration d'IZHmash et la transformation de sa division automobile en une filiale baptisée IZHmash-Avto.
Pendant près d'un quart de siècle, l'une des voitures soviétiques les plus inhabituelles, qui combinait la technologie de la Mosvitch habituelle et une carrosserie innovante, aura donc été fabriquée sur la chaîne de montage de l’usine d'Ijevsk.
Différences entre la berline IZH-2125 et la berline Moskvitch 412 :
- Type de corps
- Renforcement de la structure
- Augmentation de la capacité de chargement
- Banquette arrière rabattable
- Grands feux arrière
- Calandre
- Feux de position avant verticaux
- Phares rectangulaires
Lu sur : https://www.kolesa.ru/article/s-oglyadkoj-na-evropu-dlya-chego-sozdali-pervyj-sovetskij-liftbek-izh-kombi
Adaptation VG