De nos jours, les crossovers à quatre roues motrices se sont faits une place au soleil et bénéficient d'une demande stable auprès des conducteurs du monde entier. C'est en premier lieu par la combinaison attrayante qu’ils proposent : capacité à franchissement d'un 4x4 et confort de voiture particulière. Le plus surprenant est que la première voiture offrant des fonctionnalités similaires a été développée en URSS il y a plus de six décennies. En raison de sa faible diffusion, la version à quatre roues motrices de la Pobeda, la GAZ-M72, est entourée d’un certain nombre de mythes et réalités. Cet article vous permettra de faire le tri entre vérité et fiction en revenant sur l’histoire de cette voiture extraordinaire.
Mythe #1 :
Le développement de la Pobeda à quatre roues motrices a été voulu personnellement par Nikita Khrouchtchev.
OUI c’est la vérité : Nikita Khrouchtchev, qui a pris la tête de l’URSS en 1953, aimait aller à la chasse et inviter les élites du PC des différentes républiques de l’Union et même des ses hôtes étrangers. Pour cela, le GAZ-69 standard n’était pas adapté car il était trop spartiate et pas assez confortable et on ne pouvait pas le remplacer par une simple voiture particulière. Avant la guerre, l’Usine Automobile de Gorki avait produit une version 4x4 de la « Emka », la GAZ-61-73, qui se combinait le confort d’une voiture particulière et la transmission d’un véhicule tout-terrain.
Le Secrétaire Général chargea le nouveau Ministère de la construction mécanique de l’URSS (qui intégrait l’ancien Ministère de l’Industrie automobile et des tracteurs) de développer une voiture qui lui serait utile pour ses rares sorties dans la nature mais aussi aux hauts responsables des zones rurales, par exemple les présidents de kolkhozes et les secrétaires de comités régionaux. En un mot, tous ceux qui par leurs fonctions devaient se déplacer sur des mauvaises routes mais qui par leur rang pouvaient déjà prétendre à rouler en Pobeda plutôt que dans un « Gazik » primitif !
Les ingénieurs de Gorki ont donc été chargés au début de l’année 1954 de créer un véhicule à transmission intégrale sur la base de la GAZ-M20, offrant le même niveau de confort, mais proche du GAZ-69.
Mythe #2 :
La transformation de cette voiture particulière en « Jeep » s’est faite rapidement et sans effort.
NON c’est bien un mythe : En URSS, on a souvent considéré que la GAZ-M72 c’est juste une carrosserie de Pobeda montée plus haut sur des ponts de véhicule tout-terrain.
Dans le développement de ce modèle, les ingénieurs ont rencontré un certain nombre de problèmes sérieux. Tout d'abord, il a fallu abandonner immédiatement l’idée de coupler le châssis du tout-terrain de GAZ avec la carrosserie de la Pobeda car la voiture aurait été beaucoup trop lourde. Ensuite, l’idée de tout simplement souder sous le plancher de la Pobeda des attaches pour les éléments de la transmission intégrale était également impossible : cela aurait remis en cause les caractéristiques de résistance et de rigidité de la carrosserie de la berline calculées pour la suspension d’une voiture particulière. Les ressorts avant rigides, les ponts lourds et les autres pièces du tout-terrain auraient littéralement « déchiré » la structure de la GAZ-M20.
De plus l’installation des éléments de la transmission du GAZ-69 nécessitait la suppression de certains éléments du plancher c’est-à-dire l’affaiblissement même de la structure. C’est pourquoi les ingénieurs ont dû procéder d’une autre manière en renforçant sérieusement la carrosserie avec une augmentation minimale du poids de l’ensemble.
Mythe #3 :
La carrosserie de la GAZ-M20 a été renforcée après un certain nombre de recherches scientifiques et de tests en laboratoire selon une nouvelle méthodologie.
OUI c’est la vérité : En 1954 a été mis en place à Gorki, pour la première fois dans l’industrie automobile soviétique, un laboratoire de recherche et de développement en essais électriques, dont les équipements permettaient de mesurer les efforts à n’importe quel point de la carrosserie au moyen d’extensomètres à fils résistants. Cela a permis aux ingénieurs de comprendre quelles parties de la carrosserie étaient soumises à des charges critiques et nécessiteraient un renforcement obligatoire et quelles parties pouvaient rester en l’état.
Sur la base des résultats de ces tests, les carrossiers dirigés par Abram Gor ont rapidement fabriqué un faux-châssis et des entretoises, une traverse pour renforcer le compartiment moteur, des caissons supplémentaires pour les plancher et des renforts pour les montants de toit.
Les 14 nouvelles pièces ne rajoutaient que 23 kg à la carrosserie mais la rigidité de la carrosserie à la torsion de 50% et à la flexion de 30% ! Cela signifie qu’avec un poids pratiquement identique au poids de la Pobeda de base, la carrosserie de la M72 à quatre roues motrices était beaucoup plus rigide et plus résistante. Il était important d’augmenter la rigidité exactement là où cela était nécessaire tout en maintenant l’élasticité requise de la structure de la carrosserie.
Mythe #4 :
Les trains roulants de la GAZ-M72 sont proches de ceux du GAZ-69.
NON c’est bien un mythe : Même si les ingénieurs ont emprunté de nombreuses pièces au GAZ-69, elles ont nécessité de nombreuses modifications liées au poids différent de la voiture et au fait que son confort devait s’approcher de celui d’une voiture particulière. Par conséquent on a changé le nombre de lames dans les ressorts : à l’avant on en a rajouté une et à l’arrière où une lame a été retirée. La longueur des ressorts a également changé. La voiture étant haute on a, pour une meilleure stabilité, rajouté une barre stabilisatrice sur l’essieu arrière. La réduction de la voie avant a nécessité de modifier le carter de pont ce qui a également entraîné une modernisation des biellettes de direction.
En outre, le GAZ-M72 a reçu un pont arrière tout nouveau avec des demi-essieux semi-déchargés pouvant supporter les efforts lors des évolutions en tout-terrain. Il était beaucoup plus léger que le pont du GAZ-69.
La transmission elle-même n’était pas modifiée. On utilisait donc la boîte de transfert du GAZ-69 mais pour la GAZ-M72, on ne choisissait en usine que celles les plus précisément assemblées et les plus silencieuses !
Le moteur a également été affiné : le taux de compression a été porté de 6,2 à 6,5, la puissance maximale a légèrement augmenté (3 ch en plus, soit 55 ch) et le système de refroidissement rendu plus efficace avec un radiateur d’huile et une hélice de ventilateur à six pales.
Mythe #5 :
Le dernier restyling de la face avant de la GAZ-M20 Pobeda est lié aux particularités de la conception de la GAZ-M72.
OUI c’est la vérité : Les tests des premiers prototypes ont montré que, malgré un système de refroidissement amélioré, le moteur de ce « tout-terrain léger » était sujet à la surchauffe. Après avoir soigneusement étudié la question, les ingénieurs ont conclu que la cause du problème était la forme de la calandre de la GAZ-M20 et ses nombreuses barres horizontales qui ne permettait pas le passage d’une quantité d’air suffisante lors des évolutions à basse vitesse.
C’est pourquoi GAZ a rapidement développé une nouvelle calandre dont les éléments étaient situés à une plus grande distance les uns des autres. Dès l’automne 1955, afin de d’unifier la gamme, on a commencé à monter cette calandre sur la Pobeda standard, qui après avoir reçu quelques changements techniques porta l’indice usine GAZ-M20V. En parallèle, l’usine travaillait activement au développement d’un nouveau modèle, la future Volga GAZ-M21. Les jours de la Pobeda sur la chaîne étaient donc comptés...
Mythe #6 :
La Pobeda à quatre roues motrices était réservée à l’élite, mais elle a été fabriquée en grande série.
C’est à fois un mythe et une vérité : jusqu’au 31 mai 1958, soit plus de 12 ans au total, environ 240,000 Pobeda de trois générations - GAZ-M20 (1946-1948 et 1948-1955) et GAZ-M20V (1955-1958) - ont été produites. Les Pobeda des deux premières séries ont été produites à la fois avec une carrosserie fermée et en version découvrable quand la GAZ-M20V a été exclusivement fabriquée avec un toit rigide. La GAZ-M72 à quatre roues motrices, pour diverses raisons, a été produite dans une moindre quantité que la Pobeda habituelle. Premièrement, parce qu’il n’était pas nécessaire de produire en grande nombre une voiture qui serait principalement utilisée dans les zones rurales, et pas par tous, puisqu’il fallait être d’un certain rang pour pouvoir en disposer. De plus, la version à quatre roues motrices à cette époque coûtait bien plus cher que la GAZ-M20 normale.
En fait, cette voiture plutôt rare occupait dans la table officieuse d’attribution de l’administration soviétique une position intermédiaire entre le GAZ-69, la Pobeda et la ZIM en réunissant un certain nombre de leurs qualités. N’oublions pas que la GAZ-M72 fut la première voiture après les limousines ZIS et ZIM à recevoir en série un récepteur radio à lampes. C’est aussi avec la GAZ-M72 qu’est apparu le lave-glace, pour la première fois dans l’histoire de l’industrie automobile soviétique !
Mais les rumeurs sur le caractère de masse de la GAZ-M72 sont assez exagérées si l’on compare ses volumes de production avec ceux de la Pobeda de base. La Pobeda à quatre roues motrices a été produite à partir de la mi-1995 en petite quantité sur la même chaîne que la GAZ-M20V, mais le nombre d’exemplaires fabriqués est complètement différents : de 1,000 à 2,000 exemplaires par an entre 1955 et 1958 pour une production totale ne dépassant pas les 5,000 unités. C’est pourquoi il est impossible de considérer cette version comme une production de masse, même si elle a bien été produite en série.
Mythe #7 :
La GAZ-M72 pouvait être aussi achetée par un citoyen soviétique ordinaire.
OUI c’est la vérité : On pense souvent que de nombreux modèles de voitures (y compris la GAZ-M72) n’était pas disponible en vente libre car il y avait une interdiction officielle de les vendre à des particuliers. En réalité, au milieu des années 50, la Pobeda et son dérivé à quatre roues motrices pouvaient être achetées par n’importe qui - bien entendu sous réserve d’avoir le montant requis et de sa disponibilité en magasin.
L’URSS avait autorisé la vente libre des voitures à ses propres citoyens à partir du 1er septembre 1948. C’est le jour où a été ouvert à Moscou, rue Bakouniska, le premier magasin soviétique « Automobiles ».
A cette époque, même un particulier pouvait théoriquement s’acheter, pour 40,000 roubles, une GAZ-12 ZIM ! Comme toutes ces voitures appartenaient formellement à la catégorie des voitures particulières, il n’existait aucune interdiction d’achat - contrairement au GAZ-69 qui appartenait à la catégorie des camions et qui, en principe, ne pouvait pas être vendu à des particuliers.
Dans la pratique, jusqu’au début des années soixante, l’achat d’une voiture par un citoyen soviétique ordinaire restait exceptionnel. Notamment parce que, par rapport au revenu de l'ouvrier soviétique ordinaire, la voiture n’était pas tant un moyen de transport qu’un luxe pour lequel, dans les premières années d’après-guerre, on n’avait tout simplement pas assez d’argent. Après tout, dans les années cinquante, le salaire moyen des travailleurs de l’URSS était de l’ordre de 700 roubles alors qu’une GAZ-M20 ordinaire en coûtait déjà 16,000.
Légende des photos :
- La GAZ-61-73 est l’un des tous premiers véhicules tout-terrain à transmission intégrale au monde avec le confort d’une carrosserie de voiture particulière.
- Dans les années cinquante, la GAZ-M20 était presque la voiture officielle « de base » de nombreuses institutions et d’organisations de l’URSS.
- La Pobeda standard n’avait pas de problème de garde au sol. Mais, bien sûr, elle n’était pas adaptée au tout-terrain.
- La GAZ-M20 différait des voitures soviétiques précédentes par sa carrosserie autoporteuse. C’est pour cette raison que la création d’une version tout-terrain n’a été ni facile, ni simple.
- Les essais de la Pobeda standard en tout-terrain ont montré qu’il lui manquait non seulement la transmission intégrale et que la carrosserie manquait de rigidité en torsion et en flexion.
- Sur les plans, la GAZ-M72 ressemble juste à une Pobeda montée sur des ponts de GAZ-69. En fait, les ingénieurs ont dû apporter des dizaines de modifications sur les pièces et les éléments mécaniques des deux voitures.
- La boîte de transfert de la GAZ-69 a été utilisée sur la GAZ-M72 sans modification.
- Le moteur à arbre à cames latérale de la Pobeda a été utilisé sur plusieurs modèles de l'Usine Automobile de Gorki.
- La calandre des premières Pobeda avec de multiples barrettes horizontales et que l’on surnommait « marinière ».
- Les prototypes de GAZ-M72 avait la même calandre que les Pobeda de première génération.
- La GAZ-M20V, la troisième génération de Pobeda, se distingue justement par sa calandre de GAZ-M72.
- La GAZ-M72 de série a reçu une nouvelle face avant.
- On ne pouvait pas remettre en cause les qualités de franchissement de la GAZ-M72. Sur ce point, elle n’était pas très inférieure au GAZ-69 et elle le dépassait de loin au niveau du confort.
- Chaque année on produisait entre 1,000 et 2,000 GAZ-M72 à Gorki. Selon les statistiques de l’usine, le nombre de total de voitures fabriquées s’élève à 4,677.
Lu sur : https://www.kolesa.ru/article/pervyj-sovetskij-krossover-mify-i-fakty-o-gaz-m72
Adaptation VG