
La Trabant est la voiture de l’unité allemande. Elle a pourtant été ridiculisée pendant longtemps et en Allemagne, au tournant du siècle, presque tout le monde voulait se débarrasser de sa Trabi. Il semblerait qu’aujourd’hui, conduire une voiture de l’Est soit (re)devenu à la mode. Nous avons pu tester une Trabant de 1987 dans les rues de Berlin.
« Oups, c’était la mauvaise vitesse ! ». La P 601 le fait savoir dans un énorme craquement. La Trabant est peut-être de construction simple, il n’empêche, elle n’aime pas être maltraitée. Heureusement, j’ai Dirk à mes côtés. Né à Berlin-Est, il est familier de cette Trabi de 30 ans.
« Les vitesses ne sont que partiellement synchronisées » explique-t-il. Je peux monter ou descendre de la seconde à la quatrième comme je veux, mais il ne faut surtout pas repasser la première ! Ou alors ça fait des dégâts. Après quelques centaines de mètres au volant de cette « Ost-Mobile », il est clair que cela ne sera pas un essai normal.
C’est donc par cette belle matinée d’automne que nous pétaradons gaiement à travers les rues de la capitale de la République Fédérale. Nous ne pouvions pas trouver meilleur endroit que Berlin : produite de 1964 à 1990, la Trabant était la Volkswagen de la RDA. Après la chute du Mur, les Trabis furent les premières voitures à franchir la frontière séparant les deux Allemagne. Ces images chargées d’émotion sont entrées dans les livres d’histoire.
A Checkpoint Charlie, je me suis transformé pour la première fois de ma vie en sujet de photographie. Les touristes me saluent et m’immortalisent avec leurs appareils photo pendant que je traverse, au volant de cette Trabant bleu glacier, le carrefour où les chars soviétiques et américains se sont faits face. C’est à proximité de cet endroit mythique que « Trabi World » est installé.
Pour les touristes et les nostalgiques, cette société propose un « Trabi-Safari ». C’est de là que commence ma première balade au volant d’une Trabant. La condition, cependant, est que Dirk m’accompagne. « La technologie de la voiture est déjà ancienne, nous dit-il, et si quelque chose tombe en panne alors vous resterez planté là ! ».
J’ai énormément de mal à m’installer à bord avec mon 1,87 m. C’est tout de même incroyable quand on sait que des familles de quatre personnes se sont entassées à bord de ce petit véhicule en Duropast avec leurs bagages ! Et la famille prenait ensuite la route vers la Hongrie et le lac Balaton… ou vers les plages nudistes de la mer Baltique !
Le « Trabi-Safari » c’est une promenade touristique pour voir les principales curiosités de Berlin : la Porte de Brandebourg, Alexanderplatz et la tour de la télévision, East Side Gallery avec une vue immanquable sur le « couloir de la mort »… Dirk et moi prenons pourtant la direction opposée, vers le quartier de Prenzlauer Berg. Dirk a grandi là-bas et ses souvenirs d’enfance incluent, bien sûr, la Trabi… Et ce ne sont pas que des bons souvenirs.
« Mon père mesurait deux mètres et je devais toujours m’assoir derrière lui, complètement serré » se plaint-il. A l’arrière les sièges étaient recouverts de housses en polyamide. L’homme de 44 ans a toujours cette odeur prenante dans le nez.
Pauvre Trabant. Après la réunification, la « Rennpappe » n’avait plus aucune valeur. Les citoyens libérés de la RDA se sont jetés sur les Mercedes, les BMW et autres marques occidentales qu’ils n’avaient, pendant des décennies, pu qu'admirer qu’à la télévision. Les Trabis n’avaient que la valeur de la ferraille et beaucoup ont été abandonnées près des décharges ou dans la forêt. Le pays se délectait des blagues sur les Trabant et la Trabant est devenue une caricature automobile.
A ses débuts, elle était pourtant assez moderne. Avec ses 23 chevaux, la Trabant 600 aurait pu être une bonne alternative à ses concurrentes de l’Ouest, telles que la 2CV ou la Coccinelle. Mais très rapidement, on a arrêté de la développer. D'autant plus que les citoyens de la RDA devaient attendre leur Trabant neuve pendant 15 ans et qu'ils n’avaient aucune autre alternative.
Notre Trabant de 1987, avec sa plaque historique finissant par « H », est assez fraiche et a même 26 chevaux sous le capot avec un couple fabuleux de 55 Nm à 3,000 tr/min. La voiture est assez vive dans le trafic une fois qu'on s'est habitué à la manipulation du levier de vitesses au volant.
Je ne me sens pas comme un obstacle à la circulation, au contraire. Encore aujourd’hui, vous pouvez très bien évoluer dans le trafic urbain d'une grande ville comme Berlin. Sur les premiers et seconds rapports – le 600 cm3 aime les régime élevés – vous pouvez même griller les autres quand le feu passe au vert. C’est l’éclate ! C’est de la pure conduire surtout que vous ressentez la moindre irrégularité de la route.
Vous devrez bien sûr oublier toute notion de confort. Il n’y a pas de climatisation, pas de direction assistée, pas de jauge à essence. Et même si vous n'avez qu'une poignée de chevaux, la Trabant ne pèse que 600 kg !
Nous continuons dans le quartier de Prenzlauer Berg. Ici, sur les trottoirs, on voit beaucoup de poussettes qui coûtent plus cher que la Trabant ! Et dans les rues sont garés de coûteux breaks familiaux et SUV. Cela fait longtemps que l’on ne voit plus, qu'on n’entend plus et qu'on ne sent plus (rayez la mention inutile) de moteurs deux-temps par ici !
Mais ce n’est que la combustion du mélange deux-temps d’huile et d’essence qui sent mauvais. La consommation de carburant de notre P 601 est presque respectueuse de l’environnement avec ses six litres. En outre, la voiture est facile à réparer et on peut changer beaucoup de choses soit-même, même un joint de culasse.
C’est ainsi que la Trabant est sur le point de devenir une Oldtimer reconnue, comme d’autres voitures de l’Est, telle que la Wartburg. Quelques 34,000 Trabant sont censées être encore en circulation dans toute l’Allemagne, selon Dirk.
Et on en voit de plus en plus fréquemment à Berlin. Elle contraste dans les quartiers chic, où il est presque cool de conduire une Trabi. La chanteuse Est-Allemande, Sonja Schmidt avait écrit une chanson sur cette « Ost-Mobile ». Le titre de ce grand succès était « Ein himmelblauer Trabant » (« Une Trabant bleu ciel »)... On la conduit encore !
Lu sur : https://www.welt.de/motor/fahrberichte-tests/oldtimer/article169253930/Als-Kontrast-zu-Mitte-Schick-sind-Trabis-fast-wieder-cool.html
Adaptation VG