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Nuit du 9 au 10 novembre à Berlin-Ouest. Une main en attrape une autre. Un homme hisse une femme sur le Mur, symbole d’années d’oppression. Des inconnus sont dans les bras l’un de l’autre, en pleurs. Sur le Kurfürstendamm, ça sent la bière gratuite et le mélange de deux temps brûlé. La télévision montre l’histoire, en direct. Les gens ont la chair de poule, la foule hurle et en bruit de fond, encore et encore, le Reng-teng-teng des Trabant !

Pour célébrer les 50 ans de la Trabant 601 et les 25 ans de la chute du Mur de Berlin (NDT : l’article date du 09.11.2014), nous sommes allés à la rencontre de Toni Wünsch et sa voiture bleu pastel. C’est la troisième plus vieille Trabant 601 d’Allemagne.

Toni Wünsch habite à Zwickau. Le ciel est gris, ambiance zone industrielle avec un distributeur de cigarette F6. Lorsque le mur est tombé il y a 25 ans, Toni n’était pas encore né. Que signifie le 9 novembre pour lui ? Il répond : « Je n’étais pas là ». Et il rit. La voiture de Toni Wünsch est magnifique. Ça pétarade sur le parking. L’odeur brûlée du mélange deux-temps pénètre nos récepteurs olfactifs comme un souvenir.

Des emblèmes « 50 » dorés sont collés sur les vitres latérales arrière. Ils font penser à ces cartes d’anniversaire un peu kitch. Toni célèbre à sa manière les 50 ans de la Trabant 601. Une voiture incroyable pour l’époque pensée comme moyen de transport le plus simple possible. Une voiture en « carton » qui, il y 25 ans, a franchi en masse ce Mur qui semblait infranchissable.

Toni Wünsch en possède plusieurs. Y compris deux Trabant de pré-série de 1964. La plus ancienne de toutes les Trabant 601 et, celle-ci, troisième spécimen le plus ancien connu en Allemagne. Cette série dite pilote a été fabriquée avant le démarrage effectif de la production en juin 1964. Extérieurement cette nouvelle Type 601 était très proche de la « Mauer-Auto » (la « Voiture du Mur ») que nous connaissons tous. Mais en termes de moteur et d’intérieur, elle correspondait encore largement à son prédécesseur, la P60 « arrondie » ou Trabant 600.

Son mini-moteur deux cylindres de 600 cm3 développait 23 ch. C’était suffisant pour faire rouler cette voiture de 615 kilos à 100 km/h. Personne n’aurait de tout manière roulé plus vite dans cette baignoire en Duroplast sans servofrein et des tambours aux quatre roues. Ce n’est qu’en 1969 que la puissance est passée à 26 ch.

Nous montons dans la Trabant 601 bleu pastel de Toni Wünsch. Elle porte le numéro de série 6430816. Elle est spéciale. Selon son numéro de série, elle a été fabriquée en avril 64 et elle est donc la troisième Trabi la plus ancienne connue en Allemagne ! A l’intérieur, elle a le tableau de bord du modèle précédent et des sièges durs et peu épais. Aux places passager, vous rentrez vos jambes jusqu'à ce que votre ventre touche vos cuisses. Il est difficile d'imaginer comment une famille entière pouvait se rendre en Hongrie voire même en Bulgarie dans une telle voiture. Mais c’était possible avec la Trabi. A condition que vos convictions politiques aient permis d’obtenir un visa de sortie...

Comme par routine, Toni Wünsch pousse le levier au volant vers l’avant puis vers le bas. Première vitesse dans le Reng-teng-teng irrégulier du moteur. L’odeur à l’intérieur d’une Trabant est aussi distinctive que celle de son échappement. Ça sent le vieux et - désolé, chère Trabi - le moisi. Comme s'il y avait encore un peu de bière gratuite sous la moquette. Cela témoigne de son caractère.

« Avant que la Trabant 601 n’entre en production en série, 110 prototypes fonctionnels ont été fabriqués entièrement à la main » explique Toni Wünsch. « C’était en 1963. Mais pour autant que l’on sache, aucun d’entre eux n’a survécu. C’est pourquoi les véhicules de pré-série du printemps 1964 (de janvier à mai) sont les plus anciennes 601 que vous puissiez conduire ».

L’une des caractéristiques les plus distinctives : les entrées d’air carrées visibles sur la calandre. La presse correspondante n’étant pas encore disponible lors de la fabrication de ces voitures, elles ont été sciées à la main. Dans les véhicules de série ultérieurs, elles étaient rondes. Parmi les nombreux autres détails qui distinguent les toutes premières Trabant 601, on note le montant central plus fin et sans moulure, les baguettes décoratives spécifiques, la tige de support pour le couvercle de coffre ou l’absence de grille de ventilation sur le montant arrière. Elles ont duré jusqu’en 1965. Ensuite la Trabi a conservé le même look jusqu’au modèle à quatre temps, la Trabant 1.1 de 1989.

Toni Wünsch nous emmène à travers la ville jusqu’à l’usine Horch, qui deviendra plus tard la VEB Sachsenring Werk, là où est née la Trabant il y a 50 ans. « Les voitures sont faites pour être conduites » explique-t-il. Depuis sa restauration en 2012 il a parcouru environ 9,670 km à son volant. En 2010, il a ramené de Berlin cette Trabant en pièces. Pour sa restauration, il a utilisé la première brochure de la nouvelle Trabant 601 comme guide. Il a rencontré les difficultés habituelles mais aussi les petits bonheurs que connaissent tous mécanos.

Il avait trois jantes anciennes avec des trous allongés mais il lui en manquait une quatrième. Toni Wünsch l’a finalement trouvée dans une bourse de pièces détachées. Fouiller, demander, marchander. Comme à l’époque de la RDA ! Les pièces spécifiques des toutes premières Trabant 601 valent de l’or.

Une trousse de premier secours originale (avec son contenu) orne la tablette arrière. On ne peut que spéculer sur l’âge des pneus Pneumant d’origine. Et pour les photos, Toni Wünsch dévisse les plaques européennes. Parce que derrière se cachent des « plaques d’immatriculation de la RDA faites maison ». Pas de la stupide Ostalgie mais avec les mêmes numéros que dans la brochure mentionnée plus haut : TG 86-42.

Mais le plus grand trésor de Toni Wünsch se trouve dans un hangar près du Musée « Automobilen Trabant Ausstellung » de Zwickau. Il montre un autocollant « Licht-Test '91 » (test des phares) trouvés sur le plancher de cette Trabant blanc pastel toute poussiéreuse. « Elle a fonctionné sans discontinuer jusqu’en 1991. Qui sait, elle était peut-être même là quand le Mur est tombé ? En tous cas, peu de temps après elle a été mise de côté » raconte-t-il. Son document d’immatriculation indique une première date de mise en circulation le 25 mars 1964. En Allemagne, personne ne connaît une Trabant 601 plus ancienne que celle-ci qui porte le numéro de série 6430233. La 233ème Trabant 601 construite ! Il a mis la main dessus l’année dernière. Elle se repose depuis et attend une seconde vie dans l’Allemagne réunifiée.

Toni Wünsch ne sait pas encore exactement quand la plus vieille Trabant d’Allemagne sera de nouveau opérationnelle. Sa restauration pourrait démarrer en 2017. Avant cela, il doit s’occuper d’autres prétendantes. Il vient de terminer la restauration de sa première Trabant, un modèle 601 bleu de 1989. Il n’était même pas né quand elle a été fabriquée !

Le problème avec les grandes dates anniversaire, c’est qu’il y a de moins en moins de gens qui les célèbrent avec vous. Qui se souviendra encore de la nuit du 09 novembre dans 25 ans ? Quel visage avait cette femme que l’on a aidé à grimper sur le Mur ? Quel était le goût de la bière gratuite dégustée sur le Kudamm ? Quelle était l’odeur du pot d’échappement de la voiture en « carton » ? Heureusement nous ne sommes pas le 09.11.2039 et en plus de cela, il y a Toni Wünsch !

Lu sur : https://www.motor-talk.de/news/trabi-mit-solchen-freunden-wirst-du-ewig-knattern-t5110876.html
Adaptation VG

 

Tag(s) : #Trabant, #Rencontre