Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sous l’ère soviétique, faire un « cadeau » au prochain forum du Parti était la norme pour les ouvriers de chaque usine. AZLK ne faisait pas exception : il fallait préparer quelque de nouveau pour le XXVIème Congrès du PCUS qui devait se tenir au début de l’année 1981.

Mais à l’époque, la toute nouvelle Moskvitch - le modèle 2141 à traction avant - était encore exclusivement virtuelle et il n’était pas encore question d’en démarrer la production. Il fallu appliquer une recette éprouvée : prendre le modèle précédent, l’embellir au maximum et déclarer qu’il s’agissait de la « variante Luxe ». C’est ainsi qu’est née la Moskvitch 2140 SL, que l’on surnommait aussi « Superluxe ».

Au début, chez AZLK on avait décidé de coopérer avec les Américains. Ils devaient développer un nouveau design ! Les représentants du studio Raymond Loewy Design - ceux-là même qui ont proposé la forme moderne de la bouteille de Coca-Cola - ont accepté le projet avec joie, ont reçu 80,000 dollars, mais ils ont finalement proposé un projet qui a été refusé par l’usine. Les Américains haussèrent les épaules et allèrent dépenser leur argent, tandis que les Russes devaient se débrouiller tout seuls...

Il n’était pas rentable sur le plan économique de produire les pare-chocs, les sièges, l’éclairage et d’autre babioles : on ne prévoyait pas de grands volumes de production pour cette nouvelle Moskvitch. C’est pourquoi des accords ont été passés avec la Yougoslavie et la RDA. Ils fourniraient les pièces nécessaires et en retour ils recevraient des voitures neuves. Il faut d’ailleurs préciser que la version « Superluxe » recevait aussi des carburateurs Weber sous licence, ceux-là même dont les propriétaires de Jigouli étaient si fiers, ainsi qu’une bobine d’allumage Bosch R147 également produite sous licence.

Dans le numéro 1 de 1981 du magazine Za Roulem, l’adjoint du chef du bureau d’études d’AZLK qui présentait la nouveauté faisait remarquer que la voiture était à 94% identique au modèle dont elle était dérivée. Les 6% restant correspondaient aux portières avant sans déflecteurs et les pare-chocs en plastiques inhabituels à l’époque soviétique. A l’avant, le pare-choc intégrait d’ailleurs les clignotants et les feux de position - c’était aussi une innovation. Les plastiques foncées, les encadrements de portes noirs, les grands feux arrière, l’absence d’enjoliveurs de roues, les baguettes noires - tout cela, touche par touche, donnait à l’ancienne Moskvitch-408 une apparence plutôt moderne.

Les connaisseurs pouvaient également remarquer les nouveaux pneus radiaux MI-166 : un détail qui changeait beaucoup de choses. Parmi les innovations invisibles de l’extérieur, on notait le changement de rapport de pont passant de 4,22 à 3,89. Grâce à cela, la SL était censée consommer environ un demi-litre de moins que le modèle « ordinaire ».

Le tableau de bord avait l’air très inhabituel. De nombreuses fonctions avait été remplacées par des témoins lumineux. Les rétroviseurs pouvaient être réglés depuis l’intérieur. Za Roulem mentionnait dans son article un équipement totalement inédit : une horloge digitale ! Il y a quarante ans c’était encore une rareté. Même les Lada n’en avaient pas. En plus, cette horloge montrait non seulement l’heure mais aussi la date et pouvait également servir de chronomètre !

En 1983, la version rallye de la Moskvitch 2140 SL a été homologuée et baptisée AZLK 1600 SL RALLYE. Destinée à concourir dans la catégorie internationale A6 (jusqu’à 1,600 cm3), la voiture était équipée d’un moteur préparé développant 145 chevaux, de freins à disques à l’avant avec des étriers à quatre pistons, de barres anti-roulis avant et arrière, etc… La voiture n’a jamais couru en championnat mais elle avait l’air bien. Dans le célèbre Rallye des 1000 Lacs en Finlande en 1984, la voiture pilotée par Vladislav Chitkov a d'ailleurs pris la 33ème place du classement scratch.

Malheureusement, il valait mieux ne pas avoir à acheter des pièces de rechange pour la « Superluxe ». A une époque où presque toutes les pièces de carrosserie était en pénurie, un pare-chocs fissuré pouvait facilement transformer la vie du propriétaire de Moskvitch 2140 SL en tragédie. Ils n’étaient pas du tout disponibles à la vente et il fallait donc les réparer, réparer, etc… Beaucoup ont regretté d’avoir été attiré par la « Superluxe » plutôt que par une Moskvitch ordinaire qui coûtait 10% moins cher.

Mais tout le monde adorait ce modèle. En septembre 1986 c’est une « Superluxe » qui a été choisie pour devenir la quatre millionième voiture produite par l’usine de Moscou. Au total, ce sont 170,700 Moskvitch 2140 SL qui été construites jusqu’en 1987. L’ère de la traction avant approchait.

On peut encore trouver ce modèle aujourd’hui sur le marché de l’occasion. Les propriétaires demandent facilement pour cette « rareté » entre 150,000 et 260,000 roubles.

Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/924315-moskvich-2140-sl/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #AZLK, #Moskvitch, #2140, #SL