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Petit retour en arrière ! Salon de l’automobile de Bruxelles, janvier 1990, le stand Lada n’a jamais connu une telle affluence ; en cause les courbes fort gracieuses d’une certaine Miss Moscou (la Perestroïka a décidément du bon !) mais surtout la présence d’un prototype réalisé sur base de la Lada Samara, le splendide cabriolet Carlota quatre places sans arceau. Du très beau travail qui d’emblée retient l’attention de tous les spécialistes et ce d’autant que Lada envisage une production en petite série à des prix défiant toute concurrence …

Tous les concessionnaires de la firme russe se frottent bien évidemment les mains et puis tout d’un coup le rêve s’écroule… Le carrossier belgo-hollandais Meeus chargé de la transformation ne peut assurer le contrat, coup dur également pour les stylistes soviétiques du bureau de dessin Scaldia-Volga de Diegem qui avaient fondé de très sérieux espoirs dans cette réalisation belgo-russe devant être exportée un peu partout en Europe ! Devant l’empressement des différents importateurs du Vieux-Continent, la filiale belge se remet pourtant à l’ouvrage tout en se décidant à explorer d’autres voies et à collaborer avec un partenaire solide ayant de l’expérience dans la transformation des berlines en cabriolets. C’est dans la banlieue bruxelloise du côté de Zaventem que Lada réussira à convaincre EBS de reprendre le projet initial et de démarrer très vite une production en série. Plus question en effet de perdre du temps et ce d’autant que tout le réseau européen attend un peu cette réalisation comme du pain béni !

La firme EBS (Ernst Berg System) n’est pas inconnue dans la branche, c’est notamment cette petite société dirigée par un hollandais établi depuis plus de dix ans en Belgique, Ernst Berg, et employant une bonne soixantaine de personnes qui a notamment transformé des centaines de Renault 5 en cabriolets tout en créant des prototypes qui ne passent nullement inaperçus : le cabriolet Citroën AX Furio ou Volvo 480 qui ne seront pourtant jamais fabriqués en petite série à Zaventem ! Pour EBS, l’offre Lada arrive à point nommé, la Renault 5 est en fin de carrière et le numéro un français ne semble nullement intéressé par une fabrication du cabriolet Clio/EBS présenté pourtant l’an dernier au salon de Paris.

Pendant de nombreux mois, l’équipe d’Ernst Berg va donc concentrer toute son énergie sur la transformation de la berline Samara en cabriolet quatre places sans arceau. Pas question en effet de déroger au projet initial même si entretemps, EBS a quelque peu revu le dessin de la partie arrière tout en renforçant la rigidité de la caisse. Pas question non plus d’alourdir exagérément la caisse et ce d’autant que le cahier des charges précise que ce cabriolet doit être disponible en finition Samara ou Carlota (se caractérisant par des appendices aérodynamiques en polyester avec notamment une nouvelle calandre comportant 4 phares ronds, le tout rehaussé par un look quelque peu sportif avec des jantes en alliage léger) tout en pouvant accepter les motorisations 1100, 1300 et 1500. En outre, EBS est bien entendu tenu par des prix très serrés, la transformation ne pouvant excéder 250.000 FB au grand maximum.

A l’occasion du dernier Salon de Genève, les visiteurs mais également les spécialistes découvrent enfin cette version cabriolet Lada/EBS, tous les commentaires sont unanimes : une très belle réalisation faisant honneur à la petite firme belge dont la réputation commence sérieusement à franchir les frontières. A l’époque, un seul prototype a été fabriqué mais à voir le soin avec lequel EBS s’est attaché à honorer son contrat, il y a gros à parier que la collaboration avec Lada est en bonne voie et ce d’autant que les ventes doivent être assurées par le réseau Lada à travers de nombreux pays européens comme la Belgique, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. EBS semble aussi en mesure de produire annuellement quelque 500 unités, la fabrication devant normalement débuter en juin 1991.

A l’époque, j’avais été fort impressionné par le travail réalisé, je m’étais donc juré de suivre cette fabrication de très près et devant mon empressement mais aussi probablement mon acharnement, EBS n’a pu faire autrement que de me confier pendant quelques heures un des tous premiers exemplaires de pré-série qui ne totalisait que quelques kilomètres au compteur tout en attirant mon attention sur le fait qu’il n’était pas encore question à ce stade de la fabrication de procéder à un essai détaillé. La production en petite série démarre en effet début septembre, 350 exemplaires devront être fabriqués cette année, le contrat prévoit également d’en construire un peu plus de 2.000 en l’espace de quatre ans.

« Quelle ligne », c’est l’expression, partagée par tous ceux qui, pour la première fois ont vu ce très beau cabriolet 1500 Carlota et qui se sont également demandés ce qu’il pouvait bien cacher comme mécanique. La grande majorité des personnes interrogées se sont prononcées à l’unanimité pour une réalisation d’origine japonaise mais la déception semblait pourtant assez grande dès que l’on prononçait le nom de « Lada » ! Et d’ajouter aussitôt qu’une telle réalisation aurait du mal à se vendre compte tenu du nom et ce malgré un prix défiant toute concurrence, une 1500 Carlota cabrio devrait normalement se négocier à moins de 600.000 FB… Des propos que je me garderai bien de commenter et que je laisse à l’entière responsabilité de tous ceux qui ont eu la chance en l’espace de quelques minutes d’admirer cette réalisation… belge ! Après tout, c’est le boulot du marketing…

Pour ma part, je reconnais volontiers que je suis tombé sous le charme de cette Lada cabriolet Carlota avec tout d’abord une superbe ligne mais également une conception intelligemment exploitée comme la présence de quatre places mais aussi l’absence d’un arceau de sécurité qui a souvent tendance à gâcher la pureté des lignes. Avec une partie arrière surélevée du style Alfa Giulietta mais également le kit Carlota, incorporant de robustes boucliers avant et arrière, de petites jupes latérales ainsi qu’une calandre plutôt agressive comprenant des doubles phares ronds et des optiques antibrouillard sans oublier des jantes en alliage chaussées de gros boudins taille basse, ce cabrio a fière allure.

Et ce qui ne gâte rien, cette réalisation est aussi belle en version ouverte que fermée avec en prime une capote d’excellente qualité réalisée par une firme allemande et identique à celle des cabriolets BMW de la série 3, une belle référence. A l’avenir, il n’est pas non plus exclu que cette capote soit fabriquée en Italie chez Fatex, mais au stade actuel, son maniement s’avère particulièrement facile tant pour l’ouverture que pour la fermeture, une seule personne suffit d’ailleurs à la manœuvrer. Lors de la prise en mains, cette voiture a bien entendu passé la nuit à la belle étoile, espérant secrètement que la pluie allait tomber. Mon vœu a été exaucé au plus haut point, c’est une véritable tornade qui cette nuit-là s’est abattu sur la région bruxelloise, déversant au passage des tonnes d’eau. Au petit matin, l’examen de l’habitacle, n’a révélé aucune trace d’humidité, un examen de passage réussi pour cette capote à commande manuelle, équipée d’une vitre en plastique de grandes dimensions. EBS aurait également dans ses cartons une capote à commande électrique mais ce serait bien entendu nettement plus cher…

Par rapport à la berline trois portes, le supplément de poids est de l’ordre de 70 kilos, bien nécessaires pour renforcer la rigidité de la caisse en de nombreux endroits, comme la base du pare-brise, le montant central ainsi que le soubassement ou la nouvelle réalisation de la partie arrière qui semble-t’il a donné pas mal de fil à retordre à toute l’équipe. C’est là aussi que se situe probablement le seul (gros) point faible de toute cette réalisation à savoir une ouverture du coffre plutôt étroite ainsi qu’un seuil particulièrement élevé. Si le volume du coffre est convenable, en revanche, son utilisation ne semble pas pratique du tout et ce malgré une trappe aménagée dans les dossiers des sièges arrière et devant permettre le transport d’objets assez longs. Il y aurait sans doute lieu de se repencher sur la question mais comme me le faisait remarquer EBS, il s’agit avant tout d’une question de contrat.

La conception fait cependant apparaître de très bonnes idées, comme le guidage bien réalisé des vitres latérales (elles s’escamotent complètement et pour ceux qui ne reculent devant aucun sacrifice, EBS peut aussi fournir une commande électrique) ou bien une capote qui une fois repliée ne gêne pas trop la vue vers l’arrière ou ce couvre-capote assez facile à installer et très pratique à la fois. Si la place pour les jambes des passagers arrière est chichement calculée, en revanche, les occupants des places avant n’ont nullement à se plaindre et retrouvent comme il se doit l’ambiance typique de la Lada Samara au niveau des commandes et autres instruments de contrôle.

J’avais bien entendu hâte de savoir comment ce cabrio allait se comporter sur la route tout en sachant qu’EBS avait accompli un excellent travail de rigidification de la caisse de la Samara. Le résultat obtenu dépasse sans doute les meilleures espérances, voilà en effet un cabriolet pas trop cher qui n’a nullement à rougir devant d’autres réalisations comme les Peugeot 205, Ford Escort ou VW Golf ouvertes… Il donne aussi cette impression de tenir « bien ensemble » et de ne pas se déhancher au moindre franchissement de plaques d’égouts ou de joints transversaux. J’ai même poussé la plaisanterie à faire subir à ce cabrio un test impitoyable, celui des pavés typiquement belges (oui de telles routes existent encore de nos jours) ! Résultat surprenant lui aussi, le cabrio Lada tient fidèlement sa trajectoire et ne se tord nullement dans tous les sens, on jugerait d’ailleurs qu’il se comporte un peu mieux que la berline. Côté comportement routier, cette traction avant propose une bonne tenue de route favorisée en partie par la présence de pneus Uniroyal de 185/70 R 13 montés sur des jantes alliage de 5 1/2 j x 13 ainsi qu’une tenue de cap rarement prise en défaut. En fait, il s’agit d’une traction avant de bonne famille dont la trajectoire se veut contrôlée par une direction fort précise et commandée par un petit volant sport se prenant bien mains. Alors que sur l’exemplaire essayé, les bruits de mobilier apparaissaient seulement avec la capote fermée, il était particulièrement agréable de circuler capote ouverte avec les vitres latérales remontées. C’est seulement vers 120 km/h que les remous dans l’habitacle deviennent très importants, pas de miracle à attendre, c’est bel et bien un cabriolet. Tout en constatant que la commande de la boîte mécanique 5 vitesses n’a pas progressé en précision (la 5e est difficile à engager) et que la progression à froid du moteur n’est pas exceptionnelle, il faut pourtant remarquer que les suspensions fournissent un travail convenable visant à renforcer le confort.

On vous l’avait dit, la version essayée était un exemplaire de pré-série, d’où quelques petits problèmes au niveau de la finition générale et de la réalisation de certains petits détails. Il n’y a cependant pas de quoi fouetter un chat et ce d’autant que par le passé, EBS a toujours fait preuve d’une très grande rigueur dans la fabrication des Renault 5 ouvertes. Ceci dit, il faut pourtant bien reconnaître que cette réalisation a de quoi étonner. Par le professionnalisme de la firme EBS tout d’abord, mais également par le pari que Lada veut réussir. Il faut en effet avoir beaucoup de courage pour se lancer dans une telle aventure et surtout pour convaincre le public que désormais il existe un cabriolet relativement bon marché fabriqué en Belgique sur la base d’une voiture russe. En d’autres termes, existe-t’il une clientèle suffisamment nombreuse pour goûter aux joies de la conduite en plein air et consacrer ainsi un supplément de l’ordre de 250.000 FB pour enlever le toit d’une Lada Samara ?

Une chose est cependant certaine, le cabriolet Lada existe bel et bien, dès septembre prochain, il sera en vente chez les concessionnaires, bravo EBS et Scaldia-Volga, il fallait oser…

Repris de « la semaine Automobile », hebdomadaire belge N°256 du 7 septembre 1991.
VG

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