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Jusqu'où ira la révolution à Togliatti ?

Le rythme auquel se modernise AvtoVAZ indique que l’entreprise ne va pas se transformer en simple site d’assemblage. Indépendance de son ingénierie et extension de la gamme, telle est la stratégie du constructeur russe.

Ma rencontre avec AvtoVAZ a commencé avec le chauffeur de l’usine. Nous nous sommes rapidement tutoyés et très vite il m'a demandé si c’est vrai que « quelqu’un paie pour la campagne de dénigrement d’AvtoVAZ à Moscou et combien reçoit précisément l’humoriste Pavel Volia pour ses blagues sur les Lada ». Mes tentatives pour dissiper ses soupçons de complots sont accueillies avec une incrédulité évidente...

C’est vrai que l’image d’AvtoVAZ n’est pas spécialement bonne. Il n’y a pas si longtemps que cela, la société était considérée comme un paradis pour criminels. Nombreux sont ceux qui pourraient facilement expliquer cette recherche permanente et infructueuse de la qualité dans l'entreprise : il suffisait que le chef des Achats décide d’abandonner une pièce de mauvaise qualité pour voir débarquer le lendemain dans son bureau des gros bras armés de battes de base-ball ! La situation a fini par changer avec l’entrée des étrangers dans la structure dirigeante. Aujourd’hui, AvtoVAZ n’a plus aucun lien avec le marché parallèle de vente de pièces détachées même si la moitié d’entre elles est encore de la contrefaçon. On n'a pas encore trouvé la parade.

Renault-Nissan aura bientôt le contrôle d’AvtoVAZ. Cela fait longtemps que l’Alliance en rêve puisque c’est début 2008 qu’elle est entrée dans le capital d’AvtoVAZ à hauteur de 25%. Selon la lettre d’intention signée en mai 2012, la transaction sera achevée en 2014. L’intérêt de l’alliance pour ce constructeur est tout à fait compréhensible : la Russie est l’un des marchés automobiles les plus dynamiques au monde et AvtoVAZ en reste le leader incontesté. Mais l’Usine Automobile de la Volga est loin d’être un cadeau : ces dernières années, l’entreprise génère plus de pertes que de profits et si elle a résisté à la crise, c’est en grande partie grâce au soutien du gouvernement et de sa prime à la casse.

Une nouvelle stratégie de développement a été mise en œuvre en 2010 et on peut déjà en voir les premiers résultats. Les efforts entrepris avec Renault-Nissan en matière de qualité a permis de réduire par dix en deux ans le taux de défauts en provenance des fournisseurs. L’an passé on a commencé à développer une nouvelle plateforme pour la Classe B, qui devrait être également utilisée pour la Classe C. On travaille aussi sur une nouvelle plateforme pour les tout-terrains (y compris le Chevrolet Niva). La Lada Granta est arrivée fin 2011 et le premier modèle issu de la collaboration avec Renault-Nissan, la Lada Largus a été présenté début avril.

Avec la Largus, une des trois lignes de montage de l’usine, longue de 1,5 km, a été remplacée. Cette chaîne moderne et bien éclairée contraste fortement avec les deux autres chaînes. Il faut aussi se rappeler qu’AvtoVAZ dispose d’une autre chaîne très moderne dans un autre bâtiment. C’est celle de la Kalina, démarrée il y a déjà quelques années. Pour l’instant on ne parle plus de modernisation. Tout a été fait là où c’était critique. Par exemple, dans l’atelier de soudage de la Kalina, on compte près de de 350 robots. Tout est automatisé à 90%. Cela n’est pas la peine d’aller plus loin avec le coût de la main d’œuvre actuel et on mettrait beaucoup trop de temps pour rentabiliser d'autres investissements.

A en juger par les efforts entrepris et leur sérieux, l’Alliance Renault-Nissan devrait être en mesure de « sauver » AvtoVAZ. Il y a toutefois une question importante qui se pose : faut-il laisser à l’usine sa propre ingénierie ou la transformer en simple site d’assemblage pour l’alliance ? Pour l’instant, officiellement, c’est la première hypothèse qui est envisagée, mais c’est la seconde qui va primer si l’on veut rapidement élargir la gamme. A long terme, l’ingénierie d’AvtoVAZ ne sera préservée que si elle a la capacité de lutter à jeu égal avec celles de Renault et Nissan.

En venant chez AvtoVAZ, ce qui m’a le plus marqué est ce fossé énorme entre la réalité et les idées qu’on se fait de l’entreprise. Ceux qui croient que la production de Togliatti n’a pas changé depuis la construction de l’usine à la fin des années 60, qu'AvtoVAZ emploie des dizaines d’ingénieurs et d’ouvriers proches de l’âge de la retraite et que la chaîne est dans un état pitoyable se trompent profondément. D’après-vous, combien de personnes travaillent chez AvtoVAZ au développement de nouveaux modèles ? Mes propres collègues pensent qu’ils sont de 20 à 200. En fait, le centre scientifique et technique d’AvtoVAZ emploie 3,500 personnes et devrait recruter 1,100 ingénieurs supplémentaires dans les 3 ans à venir. Ce n’est pas énorme, quand on sait que le technocentre de Renault emploie de 8 à 9 mille personnes.

Concevoir une voiture n’est pas si difficile. Le véritable défi, c’est de la rendre concurrentielle et rentable. Une voiture qui respecte toute les normes pour le prix d’un téléviseur à écran plat. C’est à la portée d’AvtoVAZ mais cela demande beaucoup d’efforts. « Le radar de recul est de série m’indique fièrement mon chauffeur. Tout comme, la climatisation et l’allumage automatique des essuie-glaces et des phares... ». Quelqu’un pourrait dire : « Enfin, AvtoVAZ est mûr pour faire des voitures normales ». Mais ce n’est pas l’usine qui est mûre, c’est le consommateur qui l’est. Lorsque l’on développe un nouveau modèle, on commence par une enquête marketing pour définir le portrait du client potentiel, ses besoins et son budget. Ce dernier mot est le plus important pour une société qui travaille dans le secteur du « low-cost ». Les ingénieurs en sont conscients : « Chaque kopeck rend la voiture plus chère ». Pour l’instant, le marché suit : le tiers des voitures vendues en Russie sont des Lada. La Granta est vendue 239,000 roubles. Il n’a pas été facile de faire des économies : il a fallu par exemple sacrifier le cendrier.

Beaucoup de gens pensent qu’AvtoVAZ n’a pas développé de nouveaux modèles depuis des années. Ce n’est pas vrai. Il y a eu des développements mais ils sont restés à l’état de plans car le marché n’en voulait pas. A l’entrée du centre d’essais d’AvtoVAZ est exposée une petite voiture électrique verte. Elle ressemble à une statue posée là pour montrer les erreurs des services marketing.

(... NDT : non traduite, toute la partie expliquant comment est développé un nouveau modèle)

Dans les cinq prochaines années, l’Usine Automobile de la Volga prévoit de lancer plusieurs nouveaux modèles. Cela va nécessiter de profonds changements dans le processus de développement pour réduire les coûts et les délais. En fait, il faut mettre l’ingénierie de Lada au même niveau que l’ingénierie des autres constructeurs. Avant il fallait 55 mois pour développer un nouveau modèle. Il faut faire beaucoup moins. L’alliance espère remettre en quelques années, AvtoVAZ au niveau des grands constructeurs mondiaux.

Mais la stratégie n’est pas encore tout à fait claire : le marketing et la distribution des modèles Lada, Renault et Nissan sont indépendants, mais un cannibalisme est déjà perceptible. La concurrence entre les modèles des trois marques va augmenter si Lada lance les modèles prévus ! Alors ? Et si, sur le long terme, la stratégie de l’alliance Renault-Nissan était non pas de vendre des Lada, mais de vendre l’usine elle-même ? Renault devrait réussir à faire de Lada une entreprise bénéficiaire avec des perspectives claires. La valeur d'AvtoVAZ, une usine moderne, va donc augmenter et la décision de tout revendre pourrait être prise. Qui sera le repreneur ? Tout cela n’est qu’une idée et l'avenir nous dira si j'avais raison.

Lu sur :
http://expert.ru/expert/2012/19/reglament-dlya-tolyattinskoj-revolyutsii/
Adaptation VG

Tag(s) : #VAZ, #Lada, #Analyse